Mézeray,riche marchand d'art parisien,rencontre par hasard Legrain,un ancien légionnaire arborant dans son dos un tatouage de Modigliani.L'oeuvre valant une fortune,l'affairiste veut absolument l'acheter mais l'ex militaire n'est pas facile à convaincre.Il cède contre la promesse de Mézeray de faire réparer sa maison de campagne,qui se révèle être un château périgourdin en ruine,Legrain n'étant autre que le dernier comte de Montignac.En 68 la Nouvelle Vague avait depuis presque dix ans révolutionné la façon de faire du cinéma et ce film,un des derniers de Denys de La Patellière,parait déjà bien vieillot,ce qui ne l'empêchera pas d'avoir du succès grâce à la réunion en tête d'affiche de deux stars de l'époque,Jean Gabin et Louis de Funès.Les deux compères s'étaient côtoyés auparavant dans "La traversée de Paris",lors de la mythique scène du "Jambier je veux 2000 francs!Jambier 45 rue Poliveau!",puis plus tard dans "Le gentleman d'Epsom",mais c'était la première fois qu'on les voyait en co-vedettes.De grands noms sont attachés au projet,à commencer par La Patellière,un des réalisateurs attitrés de Gabin qu'il avait dirigé dans "Les grandes familles","Rue des Prairies","Le tonnerre de Dieu","Du rififi à Paname",et qu'il retrouvera une dernière fois en 72 pour "Le tueur".Robert Dorfmann est à la production,le scénario est signé de l'écrivain Alphonse Boudard,qui adapte ici sa nouvelle "Gégène le tatoué",les dialogues sont de Pascal Jardin,la photo de Sacha Vierny,la musique de Georges Garvarentz,qui a souvent collaboré avec La Patellière,tandis que Bernard Stora,qui ne passera à la réalisation qu'en 83,est deuxième assistant.Le cinéaste est connu pour être un honnête artisan mais il n'a jamais été réputé pour son énergie et son inventivité.De fait,il livre un produit calibré dépendant essentiellement de son duo de comédiens et des dialogues souvent plein de verve d'un Jardin assez inspiré.La BO de Garvarentz colle bien à l'ambiance joyeuse et décontractée des scènes et les magnifiques décors naturels du Périgord,notamment le château de Paluel,contribuent à rendre le visionnage plutôt agréable.Après il faut avouer que ça manque de rythme,que les gags sont généralement très lourds et répétitifs,alors que le script de Boudard part en glissade incontrôlée.L'argument de départ,le tatouage à récupérer donc,passe vite au second plan pour faire place à une rocambolesque équipée sudiste prétexte à l'opposition de personnages antagonistes,le businessman stressé et l'aristo bon vivant,qui va peu à peu virer à la complicité puis à l'amitié,le second convertissant son pote aux plaisirs de la bonne chère,de la dolce vita et de la déconne.Les séquences du cul de basse-fosse ou des "si,non,si,non" de Gabin et de Funès sont drôles au début puis reviennent trop souvent,tout comme les séances de sport amusent avant de se prolonger exagérément pour finir dans le n'importe quoi.C'est décousu,plein de quiproquos pachydermiques,et on a bien besoin de l'abattage monstre des interprètes pour combler les failles narratives.Gabin est énorme en vieux con cinglé,gueulard et agressif,mais également rusé comme un renard,qui fait tourner en bourrique un de Funès gigantesque dans la fonction de l'auguste.Ses mimiques irrésistibles,son hypocrisie et sa mauvaise foi font comme d'habitude merveille et assurent le spectacle.Les deux lascars occupent l'espace et laissent peu de place aux seconds rôles mais on est toujours content de voir passer des figures familières de l'époque comme la plantureuse Dominique Davray,qui est la femme de Mézeray au rire de démente,Ibrahim Seck,qui joue son domestique noir et insolent,la très jolie Lyne Chardonnet qui incarne sa fille,et Paul Mercey en entrepreneur en bâtiment,Pierre Tornade en gendarme,Henri Virlogeux en peintre,Hubert Deschamps en dermatologue,Jean-Pierre Darras en facteur,Jacques Richard en pilleur de châteaux,Patrick Préjean et Pierre Maguelon qui font un savoureux numéro de détectives à la Dupond et Dupont,l'humoriste Pierre Repp en paysan qui évidemment bégaie,ou encore Pierre Mirat,célèbre pour ses pubs Ducros où il prononçait la fameuse phrase "à quoi ça sert que Ducros se décarcasse?",qui est ici un ministre.