Todd Solondz ne s’est finalement jamais remis d’Happiness. Nous non plus d’ailleurs. Après ce joyau noir (très noir) qui fut son deuxième film, Solondz eut bien du mal à livrer une œuvre aussi aboutie, aussi insolente, qui ravissait par tant d’humour acerbe et désespéré, et même en tentant de bricoler une suite (**Life during wartime*) moins incisive que son modèle. Le teckel ne signe pas non plus le retour attendu d’un Solondz à la bile retrouvée (malgré ce long travelling sur du vomi de chien ou cette risible tentative d’attentat contre une université de cinéma), mais creuse davantage l’entaille (profonde) de son cinéma rongé toujours des mêmes sujets et des mêmes rengaines, des mêmes dérèglements.
Un peu comme un Woody Allen en plus méchant, en plus fielleux, et dont il serait le fils caché, mal aimé, abandonné dans une banlieue du New Jersey. Du mal-être à l’absurdité de l’existence, de la maladie à la solitude, Solondz traque (ressasse) une fois de plus les névroses cachées de nos vies tranquilles par le biais d’un teckel passant de maître en maître, maillon à poil ras entre personnages désabusés et/ou fantomatiques empêtrés dans les petits tracas de leur petite existence. Solondz use à nouveau de subterfuge dans la construction de son scénario pour donner l’illusion de mouvement, d’inventivité, mais très vite rattrapée par l’indolence de sa mise en scène, subterfuge qui, au fil des années, a souvent varié dans ses formes : film en deux parties (Storytelling), sequel (Life during wartime), différents acteurs pour un même rôle (Palindromes) ou, comme ici, enchaînement (mou) de sketchs.
En quatre segments suivant l’âge de chaque protagoniste (d’un tout jeune garçon rescapé d’un cancer à une vieille dame en déambulateur), Le teckel paraît cristalliser les limites du style Solondz qui, on le sent, a bien du mal à se renouveler malgré les différentes thématiques et tonalités de chacune des parties. C’est dans les dernières minutes que le réalisateur retrouve un sursaut de pur cynisme en n’épargnant pas (mais vraiment pas) son toutou de héros. On pourra soit s’offusquer de la chose, soit rire devant tant d’affront qui résumerait le cinéma de Solondz aujourd’hui, en boucle, plus apaisé si on veut, mais qui sait mordre encore.
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