Todd Solondz ne s’est finalement jamais remis d’Happiness. Nous non plus d’ailleurs. Après ce joyau noir (très noir) qui fut son deuxième film, Solondz eut bien du mal à livrer une œuvre aussi aboutie, aussi insolente, qui ravissait par tant d’humour acerbe et désespéré, et même en tentant de bricoler une suite (**Life during wartime*) moins incisive que son modèle. Le teckel ne signe pas non plus le retour attendu d’un Solondz à la bile retrouvée (malgré ce long travelling sur du vomi de chien ou cette risible tentative d’attentat contre une université de cinéma), mais creuse davantage l’entaille (profonde) de son cinéma rongé toujours des mêmes sujets et des mêmes rengaines, des mêmes dérèglements.


Un peu comme un Woody Allen en plus méchant, en plus fielleux, et dont il serait le fils caché, mal aimé, abandonné dans une banlieue du New Jersey. Du mal-être à l’absurdité de l’existence, de la maladie à la solitude, Solondz traque (ressasse) une fois de plus les névroses cachées de nos vies tranquilles par le biais d’un teckel passant de maître en maître, maillon à poil ras entre personnages désabusés et/ou fantomatiques empêtrés dans les petits tracas de leur petite existence. Solondz use à nouveau de subterfuge dans la construction de son scénario pour donner l’illusion de mouvement, d’inventivité, mais très vite rattrapée par l’indolence de sa mise en scène, subterfuge qui, au fil des années, a souvent varié dans ses formes : film en deux parties (Storytelling), sequel (Life during wartime), différents acteurs pour un même rôle (Palindromes) ou, comme ici, enchaînement (mou) de sketchs.


En quatre segments suivant l’âge de chaque protagoniste (d’un tout jeune garçon rescapé d’un cancer à une vieille dame en déambulateur), Le teckel paraît cristalliser les limites du style Solondz qui, on le sent, a bien du mal à se renouveler malgré les différentes thématiques et tonalités de chacune des parties. C’est dans les dernières minutes que le réalisateur retrouve un sursaut de pur cynisme en n’épargnant pas (mais vraiment pas) son toutou de héros. On pourra soit s’offusquer de la chose, soit rire devant tant d’affront qui résumerait le cinéma de Solondz aujourd’hui, en boucle, plus apaisé si on veut, mais qui sait mordre encore.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
5
Écrit par

Créée

le 28 oct. 2016

Critique lue 639 fois

6 j'aime

mymp

Écrit par

Critique lue 639 fois

6

D'autres avis sur Le Teckel

Le Teckel
Fleming
6

Satire acerbe de l'Amérique d'aujourd'hui et vision très noire de la destinée humaine

C'est un film de 4 sketches + un épilogue. Le premier est le plus réussi : un petit garçon qui relève d'une (très) grave maladie se voit offrir par son père (qui approche la cinquantaine) un jeune...

le 21 oct. 2016

9 j'aime

Le Teckel
Fatpooper
7

Chienne de vie

Sympa le film. Je savais pas trop ce que c'était, le titre m'a simplement interpellé, alors je l'ai chopé. Puis seulement j'ai reconnu le nom du réalisateur, enfin je n'étais plus très sûr si c'était...

le 5 sept. 2016

7 j'aime

1

Le Teckel
mymp
5

Chacun cherche son chien

Todd Solondz ne s’est finalement jamais remis d’Happiness. Nous non plus d’ailleurs. Après ce joyau noir (très noir) qui fut son deuxième film, Solondz eut bien du mal à livrer une œuvre aussi...

Par

le 28 oct. 2016

6 j'aime

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

181 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25