Avant de voir ce film de Christophe Barratier trouvé récemment en DVD, je me suis dit "remettons nous un peu dans l'ambiance en revoyant les films d'Yves Robert". Funeste erreur.
Erreur car le souvenir des films étant très frais, d'autant que j'avais repris les romans en main pour en faire des comptes-rendus pour SC, les comparaisons s'imposent toutes seules. Et comme Christophe Barratier a éprouvé le besoin, histoire de moderniser, de revoir un peu le texte en créant des problématiques qui n'existent pas dans le roman, je crains que cet avis, pris sans trop de recul, soit un peu sévère.
D'autant plus que Barratier étant resté sur la trame du roman, il se trouve à avoir à refaire plusieurs scènes qu'Yves Robert avait "piqué" au même roman. D'où quelques innovations pas forcément très heureuses où Marcel Pagnol, par exemple, mène l'enquête à Marseille pour retrouver Isabelle de Montmajour …
Déjà, le mode du film n'est pas la relation de souvenirs d'enfance tel que Pagnol l'avait écrit et que Yves Robert avait traduite, de façon très pertinente par la voix off d'un acteur dont l'âge était crédible (Darras). Bien sûr cette façon de faire permet d'introduire des scènes que le jeune Pagnol ne pouvait avoir vu, n'étant pas présent et donc ne pouvait pas en parler ; par exemple, la scène de la plainte du père de Pégomas auprès du censeur du lycée avant l'arrivée de Marcel.
Ensuite, c'est un peu la magie et le lyrisme du texte de Pagnol, qu'on peut peut-être critiquer et trouver ridicule, qui disparait ; par exemple, Marcel Pagnol ne se moque – JAMAIS – de son copain Lili et surtout pas de ses fautes d'orthographe. Il a bien trop d'admiration pour cette vie sans entraves (en tous cas, pas les mêmes) et au grand air dans laquelle il a tout à apprendre. Dans le roman "La gloire de mon père", il va même lui écrire une lettre qu'il va recommencer en y introduisant des fautes pour éviter de le blesser par son instruction.
Côté mise en scène, le film de Barratier est plutôt pas mal en filmant de beaux paysages provençaux. Il va même jusqu'à reprendre la même maison de vacances que celle utilisée par Yves Robert ! Ce qui, pour le coup, ne s'imposait pas du tout.
En ce qui concerne les personnages, le premier point c'est qu'on voit immédiatement que les personnages font un effort (méritoire) pour prendre l'accent méridional mais ça ne trompe guère.
Guillaume de Tonquédec fait un peu pâle figure dans le rôle de Joseph Pagnol ; il faut dire aussi que l'espèce de mélodrame absurde où on le voit ridiculement courtiser la boulangère n'aide pas vraiment à le rendre crédible. En voyant le mari boulanger dans le genre bedonnant et complaisant, je me suis même dit que Barratier allait nous la faire façon "femme du boulanger".
Bon et puis tant pis si on m'accuse de subjectivité et de mauvaise foi, mais je préfère Nathalie Roussel, si bien mise en scène par Yves Robert, si émouvante, si (cinquante adjectifs positifs au moins) à Mélanie Doutey qui fait pourtant des efforts méritoires. "Je ne voudrais faire de tort à personne", mais Nathalie Roussel est inégalable sur ce coup-là.
L'oncle Jules. François Xavier Demaison n'est pas si mal mais là encore, rien ne peut remplacer Didier Pain avec sa truculence et sa faconde d'homme du Sud-Ouest.
Au final, beaucoup trop de détails vont à l'encontre de l'esprit des romans de Pagnol que Yves Robert avait bien su préserver pour que je puisse me laisser séduire par le "temps des secrets".
Mais promis, dans un an ou deux, je regarderai à nouveau ce film sans le remettre en perspective avec les deux autres précédents films. Histoire de redonner une chance à Christophe Barratier.
Et je reprendrai cette critique, bien entendu…