Quel choc ce film de John Frankenheimer s'apparentant au cinéma social, aux brulots de Martin Ritt mais en poussant le bouchon encore plus loin. Dès la première scène, celle du meurtre atroce qui donnera le point de départ à tout le récit, c'est d'une vérité brute avec trois ados membres d'un gang de Harlem qui poignardent un jeune portoricain en pleine rue. Le film tant d'un point de vue textuel que visuel est réaliste, d'une actualité brûlante mais surtout à contre-sens du cinéma hollywoodien policé, édulcorant la réalité montrant une vie en Amérique ou tout rentre dans l'ordre ou la justice règne ainsi que les bons sentiments. Ici au contraire, c'est injuste, violent et rempli de haine on évoque la prostitution ouvertement ainsi que l'héroïne et la misère, les dialogues sont crûs sans détour même si de l'argot de la rue est utilisé, les rues sont sales et les terrains vagues propices au crime, les immeubles délabrés et toute une faune pullulent dans les artères de la ville. Le scénario bien que narrant une enquête pour un meurtre se double sans problèmes d'une analyse, d'une critique de la société américaine, de la ghettoïsation, de la criminalité adolescente, du racisme endémique il ne s'agit pas d'un polar au sens courant du terme. La fin laisse même un goût amer aux spectateurs, se demandant comme le personnage principal si Justice a été réellement rendue (surtout qu'on sait nous que le meurtre est prémédité), c'est très moderne et inattendu pour une réalisation de 1960. Le petit reproche concerne peut-être la mise en scène de Frankenheimer qui ne prend que peu d'initiative derrière la caméra, par rapport à ses habitudes, mais le sujet parle pour lui.