En 1966, le western italien n’a que trois ans d’existence et l’année est fertile : Le Bon, la Brute et le Truand, Django, El Chuncho, Colorado ou encore Navajo Joe. C’est l’année où sort Le Temps du massacre à qui on ne peut, de fait, pas reprocher de copier ses contemporains. Si le film de Lucio Fulci semble, de prime abord, marcher dans les pas des classiques, force est de constater qu’historiquement, il participe à la construction des archétypes du genre. Franco Nero, lui-même, sort du tournage de Django et ne peut donc pas jouer avec son image iconique. En réalité, il est en train de la créer. Avec, pour le coup, un rôle assez similaire d’un type assez mystérieux dont les intentions manquent, a priori, de clarté. Et qui se révélera impitoyable après avoir été torturé (ici au fouet, une des grandes scènes du film).
Il est indispensable de replacer le film dans son contexte. Autrement, la tentation est simple de ranger ce titre comme une variation de nombreux modèles. Si le script de Fernando Di Leo manque peut-être d’épaisseur et d’originalité, il soigne le portrait de ses personnages et noue entre eux des liens ambigus qui font mouche. En ce sens, le résultat est certainement plus profond que Django. Ceci est d’autant plus vrai (on va, du coup, mettre Franco Nero de côté) que George Hilton forme avec lui un duo original et que Nino Castelnuovo compose un parfait salopard qui fait forcément fureur dans ce genre de projet. Dommage que le scénario de Fernando Di Leo, qu’on a connu plus subtil, notamment dans ses poliziottescos, ne nous serve des idées convenues et maladroites qui nuisent à la force du film (le film illégitime, le duel fratricide, etc.). En revanche, il mène parfaitement bien sa barque pour impulser un rythme au récit que Lucio Fulci se délecte à rendre endiablé.
Derrière la caméra, celui qui s’était jusque-là investi principalement dans des comédies burlesques, s’engage dans les sentiers de la violence et de la cruauté. En dépit de quelques personnages légers (le croque-mort qui cite Confucius à tout bout de champ tout en détournant la pensé de celui-ci à des fins personnelles), il donne à l’ensemble une vision particulièrement pessimiste de l’être humain capable des pires vilénies. On n’a pas peur ici de tuer un homme dans le dos, de tuer des femmes ou des enfants, d’utiliser des armes sadiques comme le fouet ou de mettre en scène un psychopathe dérangé tel que Junior Scott. Franco Nero et Georges Hilton (dont le lien avec la bouteille est cependant trop outré) ne sont pas des anges non plus et l’humanité ainsi décrite n’a rien de bien agréable.
On regrettera au menu de ce titre une musique incapable de créer une véritable atmosphère et d’apporter une identité plus forte à un ensemble qui en manque cruellement. Lucio Fulci est un cinéaste certes doué mais on voit qu’il est ici encore en devenir car il ne parvient pas à aligner ses scènes de cruauté à une ambiance plus pesante. C’est toute cette dimension qui empêche certainement le film d’être plus qu’un western parmi les autres en cette riche année 1966.