Ce qu’il y a de très beau, que l’on aurait aimé pourtant trouver très fort, c’est le raccord du personnage principal à l’enfant qu’il fut et à celui qu’il engendre à la place d’un autre, dans le corps de la femme d’un autre homme que lui. Les flashbacks mutent en visions, comme ce plan magnifique sur le miroir dans lequel Romain se regarde et voit celui qu’il était quelque vingt années auparavant ; le récit se construit au fil des rencontres organisées selon un chemin de croix, conduisant le condamné à dire adieu à celles et ceux qu’il aime, à se réconcilier avec sa sœur, à donner la vie, lui qui se contentait jusqu’alors de la photographier, artiste cantonné à l’extérieur, au hors-champ.
La séquence avec Jeanne Moreau constitue certainement la réussite d’un long métrage que dessert une forme constante, dépourvue d’aspérités et de ces sursauts qui auraient traduit la détresse de Romain. La lumière grisonnante, la mise en scène tout à la fois maîtrisée et dépouillée, la direction d’acteurs jouent à l’unisson du thème investi par le film sans jamais risquer les écarts, la dissonance, les fausses notes. Voilà un drame clinique, propre sur soi, interprété par un Melvil Poupaud convaincant, mais qui manque paradoxalement d’incarnation dans la représentation d’un homme qui se débat avec sa finitude.