Le film tiré du roman best-seller primé du même nom d’Aravind Adiga, publié en 2008 est disponible sur la plateforme de streaming Netflix depuis le 22 janvier 2021. Ce thriller dresse le portrait d’un jeune homme issu de l’Inde pauvre et profonde qui réussit à renverser l’ordre établi par les riches puissants, révélant au passage les importantes fractures sociales du pays.
« Dans la jungle, quel est le plus rare des animaux qui n’advient qu’une fois dans une génération ? Le tigre Blanc. C’est ce que tu es, le tigre blanc » explique un professeur d’école à Balram Halwai (Adarsh Gourav) encore enfant, dans le modeste village reculé de Laxmangarh au nord de l’Inde. Il vient de décrocher une bourse pour aller étudier dans la capitale où tout est possible : New Delhi. Mais le rêve s’effondre. Son père, chauffeur de rickshaw, n’a pas remboursé sa dette au maire. L’enfant travaillera un temps comme son frère dans un dhaba, un salon de thé en bord de route.
Cette vie de misère, Balram a réussi à s’en sortir en devenant un riche homme d’affaires dans la mégalopole Bangalore, « la Silicon Valley de l’Inde ». Le désormais entrepreneur aux cheveux longs bruns propose de nous raconter « la vérité sur l’Inde » en nous narrant l’histoire de sa vie : celle d’un chauffeur misérable qui a réussi à s’affranchir de ses riches patrons et à gravir les échelons de la société. Balram renverse son destin et ne fera pas partie des « 99,9% d’entre nous coincés dans la cage à poulet », à regarder se faire couper la tête sans essayer « de s’en sortir ». Son passé est raconté en voix off tout au long du film, dans un ton cru ponctué d’ironie. Nous connaissons dès le départ la fin du film, la question qui nous taraude : bon sang, comment a-t-il fait ?
La révélation des nombreuses fractures sociales
Ramin Bahrani signe pour Netflix Le Tigre Blanc, une adaptation du best-seller éponyme et primé d’Aravind Adiga. Le film nous fait découvrir « une Inde de la lumière et une Inde de l’obscurité », aux multiples fractures, entre le haut et le bas, entre les riches et les pauvres. Les plans opposés s’alternent et s’entrechoquent, les couleurs des scènes sont marquées et accentuent ces différences. Balram quitte sa campagne traditionnelle poussiéreuse pour la partie de la capitale aux grands ensembles luxueux qu’il découvre, impressionné : c’est un nouveau monde qu’il effleure du bout du doigt.
Il y conduit son « maître » Ashok (Rajkummar Rao) et la femme de ce dernier Pinky (Priyanka Chopra Jonas), partis corrompre le gouvernement à coup de millions de roupies pour les affaires de leur famille d’industriels. Ils sont dans le charbon. Ce duo d’acteurs, très célèbres dans le cinéma bollywoodien, fonctionne parfaitement. Ils n’écrasent par leur présence le nouveau venu qu’est Adarsh Gourav. Ce dernier est une révélation qui ne manque pas de faire penser à Dev Patel, acteur principal de Slumdog Millionnaire.
Lors de ses pauses et lors de ses nuits, Balram dort dans le garage sombre, éclairé de quelques néons verts, avec ses semblables chauffeurs, au sous-sol du gigantesque hôtel lumineux et ultra luxueux où réside le couple. La richesse qu’il côtoie n’est pas la sienne, sa condition lui est souvent rappelée par Ashok : « tu es mon chauffeur », malgré une certaine complicité naissante entre les deux personnages.
Les rapports sociaux sont questionnés avec insistance tout au long des deux heures. Ashok et Pinky reviennent des Etats-Unis, où ils y ont étudié de nombreuses années. La domination patriarcale du chef de famille surnommé The Stork et de Mukesh, le frère d’Ashok, n’est pas acceptée. La soumission de Balram ne passe pas, il doit être traité comme un être égal et membre à part entière de la famille selon les deux américains. C’est un ami, un confident. Ashok et Pinky ne manquent pas de le rappeler, se confrontant directement à cet ordre établi, comme découvrant un monde qui leur est totalement étranger, dont ils viennent pourtant.
Sauf quand il s’agit de lui faire injustement reconnaître l’accident mortel d’un enfant de bidonville, qui traversait la route en pleine nuit, percuté par Pinky au volant d’un 4x4. Elle était saoule après avoir fêté son anniversaire dans un club. C’est la première scène du film, de nouveau diffusée plus tard dans le long métrage, comme point de basculement : « Je vous préviens, mon histoire devient plus sombre » annonce Balram. Ce climax attendu fracture le film en deux parties bien distinctes, l’enfonçant dans une descente en enfer pour le couple mais à la fin heureuse pour le serviteur.