Pourtant, je le sais : on prend un risque à regarder un film dans lequel, à la fois, Delon joue et est producteur.
Pourtant, le réalisateur Pierre Granier-Deferre est plutôt pas mal. Personnellement, j'aime bien ce qu'il fait. Même quand il met en scène Delon comme dans "la Veuve Couderc". Mais c'était huit ans auparavant et non produit par himself. Ici, a-t-il eu son mot à dire ?
Pourtant il s'est entouré de gens très bien : Claude Renoir à la photo, Philippe Sarde à la musique, Pascal Jardin aux dialogues, …
Bien sûr, le producteur a pris soin de choisir des acteurs – très bien et très bons – de façon à ce qu'ils ne lui fassent pas trop d'ombre : Bernard Giroudeau, Véronique Jannot, Michel Auclair, Catherine Lachens, Jean-Pierre Bacri, Bernard Lecoq, etc
Le film vaut aussi pour les défilés des tanks (AMX 30 ?) qu'on voit ondoyer joliment sur fond de verdure ou encore le bal gracieux des hélicoptères dans un air printanier du splendide camp militaire de Sissonne. Y compris le tank sous-marin qui sort de l'eau tel une naïade magnifique et ruisselante dans sa nudité pour y re rentrer deux minutes plus tard. Le déploiement de tout ce matériel (merveilleux) a au moins l'intérêt de faire un peu de remplissage pour atteindre les 90 minutes chrono.
Je pense que j'ai fait le tour des qualités du film. S'il m'en revient une autre d'ici la fin de ma rédac, je ne manquerai pas de la rajouter.
Maintenant entrons dans le dur :
D'abord le scénario : il y est question de la troisième guerre mondiale en 1983 (alors que le film est réalisé en 1979). Soit le cinéaste est sacrément pessimiste soit il cherche à être raccord avec Orwell… Je ne comprends de toute façon pas pourquoi le scénariste a changé la donne du bouquin dont ça a été tiré qui situait l'action pendant WW2, semble-t-il !
L'histoire aurait pu être belle si la romance avait pu être rendue un tantinet crédible par le personnage de Delon.
Justement Delon. D'abord le look : j'ai effectué mon service militaire comme soldat, il est vrai, en 1978. Cependant, je doute qu'en 1979, la coupe de cheveux de Delon (voir l'affiche, déjà) eut été réglementaire surtout dans un milieu médical. Bon, bien sûr les tablettes de chocolat du sieur Delon qu'on peut contempler quatre fois dans le film, c'est vrai, je ne peux pas m'aligner…
Puis surtout la mentalité, le sur-jeu de Delon. Son comportement face aux blessés. Les blessés étaient dans un tel état qu'ils ne pouvaient pas se rendre compte mais, in petto, je n'aurais pas aimé être à leur place. Son comportement face à Véronique Jannot ! Il lui file presqu'une baffe pour lui ôter sa cigarette au motif qu'on ne fume pas à côté du camion-infirmerie. Ok. Sauf que peu après, on le voit carrément fumer dans le cabinet de Michel Auclair au motif que Michel Auclair (qui joue le rôle du patron) ne dira rien ! Je rêve ! Bonjour, la cohérence du scénario !
La romance entre Delon et Jannot tient du parcours du combattant SM. Encore un chaud partisan du "qui bene amat, tam bene castigat" …
Un tel comportement, un tel toubib, ce n'est pas crédible sauf à vouloir démontrer quelque chose sur la médecine militaire en temps de guerre… Mais ce n'est pas le propos. Faut être maso pour tomber amoureuse d'un mec comme ça. Ok, à l'époque, "Metoo" n'existait pas, d'accord … Mais quand même ! Même la romance n'est pas crédible, non plus. C'en est à se demander si Delon (son personnage et lui) ne pensait pas que l'amour qu'on devait avoir pour lui devait se mériter …
Conclusion : Ce film, très nul à part les photos de tanks et d'hélicos dans un paysage bucolique, n'est pas une daube. En effet, une daube est un plat, quand il est préparé aux petits oignons, excellent. Non, c'est plutôt un navet. Fade. Sans saveur.