Bien que Le Tour du monde en quatre-vingts jours soit un des romans les plus connus de Jules Verne, il fut assez peu adapté au cinéma. La précédente tentative datait de 1956 et remporta un Oscar. Car il faut bien sûr une certaine assise financière pour produire une telle aventure aux quatre coins du monde, un défi relevé par Pathé et Walden Media en 2004 mais qui fit un beau flop au box-office.


Certes, le film adapte assez librement le roman, prenant ses aises avec certains éléments, en occultant d’autres, ce qui n’est pas vraiment grave pour un tel film qui vise le spectacle avant tout.
Le majeur changement concerne la modification du personnage de Passe-partout, valet français ici remplacé par le voleur d’une mystérieuse statue de Jade, le bondissant Lau Xing, qui va se faire passer pour français, malgré son physique asiatique et son inexpérience de la langue. Le rôle est confié à Jackie Chan, qui en gonfle l’importance, “Passe-partout” cherchant en fait à atteindre la Chine pour y restituer la statuette à son village.


Le personnage, bien que subalterne de Phileas Fogg, acquiert de l’importance, en même temps qu’il complète bien la personnalité de Phileas. Inventeur anglais, hésitant entre le flegme anglais et une certaine fébrilité, courageux mais pas trop, il décide de se lancer dans le pari de faire ce tour du monde en si peu de temps, piqué dans son honneur par les moqueries de ses “pairs” de l’Académie royale des Sciences, plus vieux croulants que fougueux inventeurs.


Phileas et Passepartout vont donc se lancer dans un tour du globe, riche en péripéties et en rencontres. Ce sera d’abord la France, celle des impressionnistes et des bourgeois de la Belle époque, où s’ajoutera Monique La Roche, jouée par la Belge mais au nom adéquat, Cécile de France. Chacune des escales utilise certains des codes attendus, des décors typiques et autres éléments pour bien faire comprendre le lieu utilisé. C’est fait avec une certaine démonstration, appuyée mais en même temps plaisante, des cadres de carte postale dont on se fiche de la vraisemblance. D’ailleurs le film n’a pas peur de certains anachronismes, comme cette Tour Eiffel déjà érigée ou des personnages historiques remaniés pour les besoins de l’histoire.


On pourra tout de même lui reprocher l’emploi de filtres numériques parfois un peu trop exagérés et quelques effets spéciaux qui ont mal vieilli, comme ces incrustations sur fonds vert. Des tâtonnements avec les possibilités numériques qui datent bien le film de ces années.


La réalisation est confiée à Frank Coraci, responsable de l’amusant et charmant Wedding Singer, qui garde de l’adaptation son sens de l’aventure, en épurant tout ce qui pourrait gêner. Le regard sur le monde de Jules Verne est peu présent, les personnages ne sont pas vraiment émerveillés de réaliser un tel exploit, malgré la diversité des moyens de transport utilisés. Ce qui compte c’est que Fogg ne perde pas son pari (ou ses amis, rengaine habituelle). La confiance dans le progrès reste légère, bien que le film oppose aux discours qui prétendent que tout a été inventé la réponse qu’il faut chercher la découverte, quitte à bousculer ceux qui prétendent les sciences pour acquises.


Ces différentes escales dans un monde qui change (la France, par exemple) ou qui reste attachée à ses traditions (la Chine, par exemple) sont bien trop rapides pour que le film ait vraiment quelque chose à dire sur tous ces bouts de Terre, il s’agit avant tout de décors de cinéma où évolueront les héros. Seule la Chine aura droit à une attention particulière, en raison de cette intrigue secondaire, certes, mais s’attardant aussi un peu plus sur une certaine manière de vivre. Il est d’ailleurs amusant d’y voir Jackie Chan s’y retrouver dans des costumes qui rappelleront certains de ses plus vieux films, c’est d’ailleurs dans ce décor qu’il y crée l’une de ses meilleures chorégraphies de combat.


Production moderne oblige, le film comporte quelques scènes d’affrontements, heureusement signées par Jackie Chan. Elles ne se valent pas, et le montage un peu trop découpé empêche d’apprécier leurs déroulements, mais celles en Chine et celle autour de la statue de la liberté sont assez amusantes, plus brutales pour la première, plus décalée pour la second. On pourra tout de même regretter certaines cascades qui s’apparentent plus à des pitreries, qu’on sent casées pour le public familial, à l’image de la première avec le costume crée par Phileas Fogg.


On sent d’ailleurs que certains passages sont crées autour et pour les acteurs invités, à l’image du segment un peu inutile en Turquie avec Arnold Schwarzenegger. Mais c’est l’occasion de retrouver une belle équipe, avec certains acteurs proches de Jackie Chan comme Sammo Hung et Daniel Wu, mais aussi John Cleese, Kathy Bates, Luke et Owen Wilson et même Michaël Youn. Tout ce petit monde en fait trop, avec une légère exagération conforme au ton du film. Jim Broadbent qui est l’antagoniste principal est un régal dans ses cabotineries, tandis que son allure rappellera de bons souvenirs pour ceux qui l’ont apprécié dans Moulin Rouge.


Certes, le film est plein d’imperfections, on pourra toujours lui reprocher ceci ou cela. Mais il cherche aussi à raviver une certaine idée du grand spectacle du cinéma populaire, ambitieux et aventureux. Ses personnages sont légers mais attachants, son histoire toujours renouvelée (quitte à utiliser quelques grosses ficelles), c’est bien suffisant pour lui accorder sa chance et s’amuser avec lui de sa légèreté assumée.

SimplySmackkk
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le 6 févr. 2021

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