La Cène et la machine à laver

Si vous entrez dans la salle pour voir une franche comédie française avec Benoît POELVOORDE, ressortez tout de suite, et pourtant, le film est meilleur que sa BA (que j'ai exceptionnellement vu) !!
On a là à faire à une comédie belge, dramatique, acide, amère, cynique et pleine d'humour, à la fois sur le pouvoir divin,sur le pouvoir humain, sur les croyances, sur la famille et ... sur la femme.
Que Dieu n'ait jamais dit nombres de phrases qu'on lui prête est un fait, mais a-t-on seulement questionné réellement qui est Dieu ? Anthropomorphisme oblige, unicité divine, le film ne va pas sur le terrain de la représentation ou de l'apparence, à une remarque près.
Mais une question sous-jacente me semble être : si Dieu a créé l'homme à son image, n'est-il pas normal de retrouver en lui les affreux travers que nous offre la société mondiale depuis plus de 40 ans ? Un sujet pervers, père violent, mari autoritaire, gérant sa planète bleue au gré de ses humeurs sadiques, Dieu n'a hélas pas de père ou de mère à qui faire porter la responsabilité de ses affres et douleurs.
Dieu a une femme, la divine Yolande MOREAU. Prodigieusement, avec un texte quasi inexistant, elle offre sa palette émotionnelle sur son visage et vient avec humilité et respect contrecarrer la malédiction. Les ménagères ont ceci de plus que les autres, elles connaissent leur intérieur, et parfois elles s'y arrêtent. Tenir sa maison, c'est tenir le monde.
Dieu et Déesse ont une fille, Ea, fille par laquelle tout va basculer. Si elle se venge de son père, avec pour seul moyen de "balancer les dates de décès" aux humains, elle offre pourtant l'accès à une terrible et grande question, que nous devrions réellement tous nous poser avant toute action, toute phrase, une question à la Montaigne "Que faire du temps de vie qu'il me reste ?" Est-ce vraiment utile de faire du mal au voisin ? Est-il temps de vivre mon plus beau moment ? D'oser dire je t'aime et le vivre ? Etc... Bref, quel est MON voeu ? Qu'est-ce que je veux fondamentalement vraiment ?
Le casting est juste, la caméra sobre et efficace, les dialogues aiguisés, les personnages-caractères ciselés. Sans oublier Jésus, vient en invité, ouvrir, comme son ancêtre Moîse, le passage par lequel les humains espéreront sortir de l'esclavage.
On reverra avec plaisir, quant à moi, François DAMIENS dans un registre doux-pervers, et dont le personnage offre un espoir d'ouverture à l'amour et donc une voie de sauvetage de l'humanité. Ce qui justifie pleinement son rôle d'apôtre ; Mais aussi Catherine DENEUVE, qu'ici j'ai apprécié.
Une bien belle toile, à se faire et refaire, du moins en ce qui me concerne.
Très bonne séance :)