Entre mai et juin 1940, huit à dix millions de personnes - essentiellement des Français, mais aussi un certain nombre des habitants des pays limitrophes - durent migrer dans la précipitation vers le sud de la France afin de fuir l'écrasante offensive allemande qui avait lieu dans le nord-est du pays. L'action du film Le Train, réalisé en 1973 par Pierre Granier-Deferre, s'intéresse à une poignée d'entre eux. On y suit en particulier le périple de Julien Maroyeur (Jean-Louis Trintignant) réparateur de radio, réformé pour cause de myopie ; celui-ci vit à Funnoy (ville fictive des Ardennes) avec sa fille ainsi que sa femme qui est par ailleurs enceinte. La petite famille jugeant judicieusement qu'il n'est pas raisonnable de rester plus longtemps dans ce coin de France qui ne va pas tarder à devenir peu hospitalier ; décide de prendre le prochain train prévu pour l'exode. Cependant, ils ne vont pas tarder à être séparés, les femmes et les enfants ayant le droit de voyager en première classe tandis que les hommes doivent se diriger vers les wagons à marchandises. Wagons à bord duquel Julien fera notamment la connaissance d'Anna (Romy Schneider), jeune femme mystérieuse qui se révélera être juive allemande. La suite des événements conduira le convoi à être coupé en deux séparant encore plus Julien et sa famille. Tandis qu'au fil du voyage un réel esprit de communauté va se créer au sein des occupants de ce dernier wagons que tout opposent - on y retrouve notamment un déserteur et un vétéran de Verdun - mais que la détresse et la précarité de la situation va souder et unir… le tout entrecoupé d'adultères.
Le principal argument en faveur du film est assurément sa distribution. On y retrouve ainsi pour ce qui est des rôles principaux Jean-Louis Trintignant qui joue avec beaucoup de justesse cet individu plutôt timide comme il l'affirme lui-même ; maladroit lorsqu'il tombe en voulant monter dans le wagon brisant au passage l'un des verres de ses lunettes - qui premièrement semblent se réparer toutes seules et deuxièmement semblent aussi être un peu là pour renforcer ce manque d'assurance du personnage. Individu qui pourtant saura quand la situation l'exige prendre l'initiative et le leadership du groupe…bien que cela ait principalement lieu dans une scène très maladroite et un peu bancale.
En effet au cours de leur périple, le train dont fait partie Julien se retrouve bloqué, alors qu'il veut passer un pont, par un barrage de l'armée française. Le train ne pouvant pas faire demi tour et l'armée refusant de les laisser passer c'est finalement, Julien qui va trouver une solution en faisant la réflexion “bah on a qu'à le conduire nous-mêmes votre train” ( ????) suite à quoi il monte avec deux compagnons de wagons au niveau de la locomotive…pour laisser le conducteur conduire lui-même ( ???) faisant de leur présence à bord un élément sans réelle incidence. Autant l'objectif en lui-même de la scène semble assez clair, autant l'exécution semble extrêmement maladroite et confuse.
(Je sais que le film est adapté d'un roman de Georges Simenon, alors j'ignore ce que donne cette scène dans le roman mais j'ai vraiment l'impression qu'un détail a échappé à ma compréhension)
Pour en revenir aux acteurs, il faut bien sûr évoquer Romy Schneider, l'actrice y joue quant à elle très bien également ce rôle qui nous semble être au premier abord celui d'une femme forte, mystérieuse, car on ignore tout d'elle, mais dont on devine aisément qu'elle a aussi d'excellentes raisons de fuir les Allemands en montant - discrètement d'ailleurs - à bord de ce train. Pourtant, au fur et à mesure que notre protagoniste et par conséquent le spectateur va faire sa connaissance, ses failles apparaîtront et Julien se révélera au fur et à mesure être une aide essentielle pour celle qui doit fuir les Allemands au péril de sa vie. On imagine aussi à quel point ce rôle a dû être particulier pour l'actrice ; elle dont la famille fut proche du régime nazi au point qu'elle confiera notamment à l'occasion « Je crois que ma mère avait une relation avec Hitler », aura à cœur - comme en excuse et pour apaiser sa conscience - de jouer au cours de sa carrière des victimes du régime nazi ; à l'instar de ce film donc.
En ce qui concerne les rôles plus secondaires, ils sont par définition vraiment au second plan, le film s'appuyant en grande partie sur duo principal. Ainsi en ce qui concerne particulièrement les autres passagers du wagon, on ne connaîtra pour la plupart jamais leur nom, ceux-ci étant définis par une caractéristique spécifique. Pourtant, le peu que le film s'attarde sur eux étant un vrai plus, il permet de renforcer cet aspect déjà évoqué de communauté se formant entre les passagers et donne une atmosphère, un cadre à l'aventure amoureuse que vivent nos deux protagonistes. On relèvera ainsi la présence de Maurice Biraud en déserteur qui apporte une petite note comique à l'ensemble.
Ainsi, si j'émettrai aussi quelques réticences sur la faible voir inexistante culpabilité du protagoniste à tromper sa femme," Le Train" reste un film intéressant, si la partie romantique prend la place majeure du propos, il est tout de même également pertinent de voir un film prendre comme contexte une partie peu exploitée au cinéma de la seconde guerre mondiale qu'est l'exode française. Le réalisateur l'ayant par ailleurs lui-même vécue alors qu'il était adolescent il prend le choix - opposé à l'atrocité que fut cette guerre - de montrer cette partie du conflit sous un air globalement joyeux et bucolique par moment ; un film au final empreint d'une certaine nostalgie et insouciance expliquant peut-être également l'aventure amoureuse de nos héros, amants le temps d'un voyage.