Cette adaptation n'atteint pas les sommets du formidable roman de Simenon et ses multiples niveaux de lecture (plus difficiles à retranscrire dans un film), se permettant même de "pervertir" son dénouement et quelque part son essence, mais Pierre Granier-Deferre signe malgré tout une œuvre intéressante.
Son récit se concentre principalement sur la relation amoureuse entre les deux héros, la fuite soudaine des Français devant l'avancée de l'armée allemande servant surtout d'arrière-plan. Dans le livre de Simenon, le destin personnel de son narrateur à la première personne était forcément plus prégnante, avec cette sensation de bonheur intense au moment même où le pays connaît la débâcle, et où de nombreux français meurent sous les tirs des Stu-Ka...
Dans le film, on suit donc principalement la rencontre entre ce père de famille réformé qui quitte sa province dans un wagon à bestiaux, séparé de sa femme enceinte et de sa fille installées en première classe, et cette jeune slave mystérieuse qui s'introduit dans la petite communauté créée à cette occasion.
Cet aspect est bien rendu, avec un groupe hétérogène (Régine la catin, Maurice Biraud le déserteur, Serge Marquand la crapule ou encore "Verdun" l'ancien combattant...) qui commence par s'entre-déchirer, avant de faire preuve sur le tard d'une certaine solidarité face aux évènements.
Le film de Granier-Deferre omet la partie dans le camp belge à La Rochelle, pour se concentrer sur le voyage en train, riche en épisodes tragi-comiques, avant un épilogue différent du livre, émouvant mais totalement contraire à la personnalité de l'anti-héros imaginé par Simenon.
On appréciera malgré tout cette transposition sur grand écran, qui a le mérite d'aborder un épisode de notre histoire rarement mis en lumière (si ce n'est dans le récent mais très moyen "En mai, fait ce qu'il te plaît"). La réalisation s'avère efficace, la reconstitution satisfaisante, et les deux têtes d'affiche Jean-Louis Trintignant et Romy Schneider parviennent à susciter une véritable empathie.