On sait gré à Marco Bellochio d’avoir su, au travers du Traître, faire (enfin) des mafiosos des bêtes de cirque ; ce que les scènes de procès, avec ses accusés en cage, traduisent très bien. Le lion, ici, est une star un peu ringarde, Tommaso Buscetta, qui doit sa survie à un soi-disant code d’honneur du mafioso (le sien en fait), mais surtout à une certaine honnêteté intellectuelle (au juge Falcone, il prétend être un « simple soldat »). Le très charismatique Buscetta n’a toujours suivi que son bon plaisir (quitte à trahir les codes de la mafia qui ne correspondaient pas à son mode de vie, notamment la monogamie), et c’est ce qui fait de lui ce héros, non malgré lui, mais conçu par et pour lui. Buscetta a construit son propre mythe d’électron libre, bon vivant (son rêve aberrant de repenti étant de mourir dans son lit) et c’est ce que traduit très bien Bellochio, au travers de scènes troublantes (le karaoké pathétique de la fin, Buscetta vieux et diminué dans son fauteuil avec un fusil d’assaut à la main) qui viennent contrecarrer une image forcée de dur à cuire, séducteur, et provocateur.

Francois-Corda
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le 8 janv. 2020

Modifiée

le 5 juin 2024

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François Lam

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