Trois anciens confédérés encore en uniforme reviennent à cheval de la guerre perdue et devisent de leur avenir dans leur Texas natal.
C’est une très belle première scène avec James Arness qui sauve un agneau de la noyade dans un étang tout en évoquant sa femme et ses enfants, tandis que ses amis, deux frères, échangent sur ce qu’ils attendent de la vie. L’un, plus jeune, joué par Rock Hudson, aspire à une sérénité fermière, proprette et partagée avec ses parents. L’autre, l'aîné, joué par Robert Ryan, a le tourment d’arracher au monde plus que ce qu’il lui présente. La suite les confrontera à des conflits de loyauté entre enfants et parents, entre frères, entre mari et femme infidèle, procureurs, juges, citoyens…
Une scène d’humiliation au poker, courte et sobre, entre un notable riche et jaloux, joué par Raymond Burr, et l'arriviste pauvre joué par Ryan, a une force incroyable : elle est le point d’inflexion qui précipite ce dernier dans le banditisme.
Et c’est dans une seule séquence, nocturne, qui est très belle - un peu trop dense, série B oblige - que Ryan, seulement avec ses poings et un discours bien trempé, rassemble une bande de réprouvés pour en faire un gang redouté de voleurs de bétail.
La revanche sociale de cet homme violent va se compliquer car le notable jaloux va torturer son jeune frere innocent. Alors Ryan abat le malfaisant, puis il est emprisonné, mais la justice l’absout et la veuve du méchant le rejoint.
Alors encore, dans une irrésistible ascension, appuyée sur des spoliations et de la violence, c'est l’hubris de la réussite qui l’amène au rêve de devenir le maitre du pays. On croit que la trame habituelle vers une chute programmée va suivre mais elle ne sera pas si convenue. Après le meurtre accidentel d'un procureur par son dévoué Dandy (un Dennis Weaver aux costumes extravagants), après la mobilisation de la foule qui est prête au lynchage, à laquelle se substitue celle de la loi, incarnée par le jeune frere devenu shérif, et après l’interposition du pere qui ne veut pas que les frères s’entretuent, que sera le gunfight final ?
Sera-t-il entre le pere et le fils dévoyé, ou entre le frere et le frere ? De justesse, non.
Ce sera un des fermiers spoliés qui lui portera le coup de revolver fatal car son amoureuse jouée par Julie Adams se précipite vers lui, ce qui oblige Ryan à dévier son coup.
Déjà chez Boetticher, avant la série de films inoubliables avec Randolph Scott qui valorisent des bads guys, c’est un beau portrait de l'un d'entre eux, ici courageux et rigoureux même dans son ressentiment, d’abord hésitant devant la transgression, puis lucide sur lui-même, assumant l'avidité qui étouffe son sens moral.
C’est lui qui a le premier rôle, et Ryan fait le show de manière maestrique. En fait cet acteur peut tout jouer, le bon, le méchant, ou le composite ; on pense souvent à lui comme à une renfrogné mais il peut alterner des mimiques très variées, étonnement, hésitation, sarcasme, rires séducteurs, francs ou sardoniques, timides ou éblouissants (comme dans l'Appat).
Rock Hudson semble ici un héros enfantin et sans charisme, un écran bien pensant derrière lequel Ryan peut incarner une morale plus complexe et déchirée par un contexte historique déstructurant.
C’est donc une courte série B plutôt enlevée et assez noire.
Julie Adams est une somptueuse femme fatale (dans les film suivants de Boetticher en 1953, elle apparait avec le meme sex appeal, qu'elle soit une femme douce et timide dans The Man from The Alamo, ou une guerillera dans Wings of Hawk, Revolte au Mexique).
Un très beau Technicolor nous enchante, avec comme directeur de la photo Charles P. Boyle et comme color consultant William Fritzsche, presque aussi bon que Natalie Kalmus.
(Notule de 2018 publiée en janvier 2025).