Dans la veine des tentatives de relancement de franchise des années 2010, Le Transporteur : Héritage se la joue reboot qui reprend ce qu'Europacorp pense être les codes du divertissement populaire : montage haché qui plombe la lisibilité de l'action, mise en scène épileptique qui se résume à des tons de bleu lumineux et des zooms/dézooms à la répétitivité exaspérante, personnages masculins qui affichent avec fierté leur virilisme et leur machisme, quand ils ne décident pas de lâcher des vannes bien lourdes (et appuyées) sur des actrices féminines que la caméra n'hésite pas à résumer à leurs seins et/ou leurs fesses.
Comble de la beauferie bien grasse, Refueled se résume à de l'action, des grosses cylindrées et cette hypersexualisation rétrograde qui semble venir d'une Terre parallèle : on aura rarement vu de film si généreux dans le manque de respect à la gente féminine, seulement résumée comme prostituée, traîtresse ou éprise de désirs sexuels à l'égard du duo de héros (Ed Skrein inexpressif et Ray Stevenson en roue libre).
Constat affligeant puisque sortait, la même année, le sublime Mad Max : Fury Road de George Miller.
Dénuée de toute réflexion, la femme dans ce quatrième Transporteur n'affiche son libre-arbitre que lorsqu'elle doit trahir ses proches/collègues de travail : il n'y a que les hommes pour être droits dans leurs bottes, qu'ils soient gentils ou bien méchants. Même les grands bandits, clichés d'antagonistes de série b fauchée, trouvent un certain sens de l'honneur dans leur comportement; du moins, ce dernier est justifié par le courage qu'ils affichent face au héros, à se battre jusqu'à ce que mort s'en suive sans jamais rechigner à l'affrontement.
Contrairement à ces héroïnes qu'il nous présente et qui, même pour abattre le grand dirigeant du réseau de prostitution, font appel au mensonge, à la ruse, à la traîtrise. Il semblerait ainsi que la femme ne puisse exister sans le contrôle de l'homme, et lorsqu'elle prend la décision de s'en affranchir, ne peut pas le faire en "bonne et due forme" : il faut qu'elle passe une nouvelle fois par la trahison; en témoigne cette scène, d'une stupidité sans nom, ou Ed Skrein est menacé par celle que l'on pensait être sa future compagne.
Séquence incroyablement débile qui pointe du doigt le grand problème de cet Héritage : sans ligne directrice pérenne, il part dans toutes les directions possibles sans avoir au préalable songé à comment se sortir des situations dans lesquelles il s'embourbe, et se voit obligé de se perdre dans les facilités scénaristiques, dans des Deus ex machina tirés par les cheveux pour émerger la tête de l'eau et ne pas perdre son spectateur.
Spectateur qui, d'ailleurs, notera l'erreur de casting d'avoir choisi Ed Skrein comme remplaçant de Jason Statham : si Stevenson n'est pas l'acteur le moins crédible en tant que mentor, le futur Ajax perd la technique de l'original au profit d'une gueule de poseur. S'il ne manque pas d'un certain charisme et sait jouer les combattants badass, force est de constater que son manque de maîtrise des arts martiaux fait tellement tâche que le montage doit démonter la cohérence de ses combats (et la mise en scène les ralentir à l'extrême) pour qu'on ne remarque pas l'imposture de cet acteur qui n'est, paradoxalement, qu'acteur.
Contre-sens complet pour une franchise qui se bâtissait pourtant sur le spectaculaire et la lisibilité de ses combats, que Statham menait avec charisme et classe : s'il reste à Skrein l'aspect physique soigné et imposant du personnage, il n'y a plus grand chose dans ce quatrième volet de ce qui faisait toute l'efficacité du premier épisode. De la mise en scène lisible et dynamique à l'acteur élégant qui ne donnait jamais l'impression de forcer ses poses, en passant par le scénario simple mais limpide et ses antagonistes qui avaient du relief, tout ce qui faisait finalement le succès de la franchise a déserté de cette tentative ratée de la rebooter.
Tentative qui, espérons le, restera au stade de projet avorté.