A la croisée du western, du film noir et du film d'aventures, ce film de John Huston tourné en 1947 est d'abord un film sur l'appât du gain.
L'histoire est très simple et raconte comment trois hommes échoués dans une ville mexicaine et vivant d'expédients ou de travaux pas ou peu rémunérés décident de partir à la recherche d'or dans les montagnes mexicaines.
Le film est bien plus que ça en fait. C'est une analyse fine des objectifs et des mentalités de chacun des personnages du film. C'est un portrait sans concession et très lucide de ces trois hommes. Se joindra, d'ailleurs, un quatrième homme qui ne fera que confirmer les écarts de mentalité des trois personnages.
On ne sait rien de Dobbs, interprété par Humphrey Bogart, américain mendiant une pièce dans les rues de la ville mexicaine auprès de compatriotes mieux lotis, à l'affut de la moindre combine.
Bon compagnon, tant qu'il ne possède rien, l'idée de partir chercher de l'or est une idée pour enfin sortir de la mouise qu'il prend au premier degré. Il n'est que dans le court terme. En poussant un peu, on pourrait même dire qu'il n'est que dans une perpétuelle fuite en avant. D'ailleurs quand on lui demande ce qu'il compte faire lorsque sa fortune sera faite, il répond : "prendre un bain, manger dans un restaurant ce qu'il y a de plus cher". Aucune perspective à part l'argent. Sa situation d'épave est structurelle.
Dès lors, qu'il se met à posséder un peu de poudre d'or, il développe une autre mentalité : celle du possédant qui craint pour ses avoirs. Il n'est désormais plus un bon compagnon car est devenu méfiant, quasi paranoïaque.
On ne sait rien non plus de Curtin, le compagnon d'infortune de Dobbs qui est interprété par Tim Holt. Tant qu'il ne possède rien, lui aussi est un bon compagnon. Sauf que lui reste un bon compagnon même quand la situation s'arrange. Il est capable de développer de l'empathie, une perspective d'avenir ; son état d'épave est circonstanciel; Il n'a pas eu de chance jusque là mais si une bonne fortune arrive, il saura rebondir et repartir du bon pied. D'ailleurs, son avenir, il le voit dans "une ferme avec un verger".
Quant à Howard, interprété par Walter Huston, le père de John, c'est un vieux chercheur d'or qui est passé par divers hauts et bas car il n'a jamais trop su gérer sa fortune. Son expérience est précieuse.
Lui aussi est un bon compagnon. C'est même le joyeux compagnon que rien n'abat, qui danse lors de la découverte du filon. On peut même parler d'abnégation face à Dobbs et Curtin.
Il reconnait en Dobbs, les travers de certains chercheurs d'or pris par la folie de l'or. Il comprend ce sentiment mais n'approuve pas. Cependant, pour diminuer la tension qui règne dans le groupe, il ne cesse d'être conciliant.
Il reconnait en Curtin l'homme qui a un bon fond, digne d'intérêt et développe presque une relation paternelle à son égard.
La scène du sauvetage du petit garçon mexicain, une des plus intenses du film, confirme qu'Howard est un beau personnage. Au fond, l'or, il s'en fout, le chercher est amusant, en tirer de l'argent c'est bien mais ce n'est pas une fin en soi. C'est un épicurien qui trouvera son avenir dans un village mexicain.
Dans le reste du casting, on trouve le bandit mexicain "Golden Hat" interprété par Alfonso Bedoya qu'on retrouvera dans d'autres grands films comme "Les grands Espaces " de Wyler ou "Le cavalier de la mort " d'André de Toth.
"Le trésor de la Sierra Madre" est un western âpre, sans concession, qui met en scène des personnages aux destinées très différentes.
C'est un western très moral dont j'aime particulièrement la conclusion.
Bien mal acquis ne profite jamais mais, au fond, en a-t-on vraiment besoin de cet or ?