Un film noir qui trônait dans ma DVDthèque depuis un moment, et dont je ne suis pas déçu de l’avoir enfin regardé. Considéré comme un classique du genre, je gardais cependant quelques réserves à son sujet du fait que certains « vieux » films perdent un peu de leur saveur, à l’instar de Citizen Kane. Il en fut tout autre ! Au contraire, comme pour Casablanca ou Boulevard du crépuscule, j’ai trouvé que Le Troisième Homme avait gardé une fraîcheur certaine, et qu’il dispose en effet des éléments qu’on peut attribuer aux grands films. Son seul défaut, c’est la musique : bien que le thème principal soit très sympa, et qu’il a des variations très chouettes, il est malheureusement très souvent un peu hors sujet avec le ton de la scène qu’il accompagne, ce qui m’a plusieurs fois fait sortir du film. C’est là qu’on comprend effectivement l’énorme révolution qu’a pu apporter Citizen Kane par exemple.
Et c’est bien dommage, car le reste du film est un pur plaisir ! L’intrigue ne souffre d’aucune longueur, tout est très bien dosé et même si on grille un peu du coup le twist du film, il n’en reste pas moins excellent. On se laisse prendre dans cette enquête, on ressent cette atmosphère légèrement dérangeante, presque angoissante, on a cette ambiance propre aux films noirs que j’adore, les menaces à peine voilées, la détermination des personnages, c’est tout simplement superbe. D’autant plus que l’intrigue en soit est très simple, sans grande surprise, mais c’est bien son ambiance et ses personnages qui la portent et en font une expérience plus qu’agréable. Les faux-semblants, le final dans les égouts, l’évolution des personnages, des thèmes sur l’amitié et la loyauté… Tout se mélange parfaitement, tout s’intègre à merveille, et tout s’enchaîne avec fluidité, très bien rythmé.
Les acteurs sont globalement très bons. J’ai beaucoup aimé le duo formé par Joseph Cotten et Trevor Howard, dans le sens où les deux fonctionnent très bien ensembles : le premier avec cette nonchalance américaine, et l’autre cette rigueur britannique. J’ai bien aimé Alida Valli qui, dans son rôle de personnage féminin, joue sur plusieurs facettes et reste très crédibles dans ses réactions. Et puis bien sûr Orson Welles, qu’on voit peu au final, mais qui est impérial à chaque scène : ce petit sourire en coin quand on le découvre pour la première fois, la lueur dans son regard qui va de la camaraderie, à l’amusement en passant par la haine. C’est incroyable ce qu’il réussit à transmettre. J’ai déjà parlé de la musique, que je trouvais hors propos parfois, mais le reste du film est un régal. Outre le jeu magnifique sur les ombres et les lumières, qui ressort davantage avec le noir et blanc, j’ai beaucoup apprécié la mise en scène de Reed, très fluide là-aussi, très lisible et toujours très juste, mais aussi ses cadrages, notamment lors de ces plans penchés qui donnent une sorte de distorsion à l’image. Et puis les décors nous plongent dans une Vienne d’après-guerre à la fois magnifique et inquiétante.
Bref, un très bon film devant lequel je me suis régalé de bout en bout. Si ce n’est sa musique, on a là un très grand film qui peut largement prétendre à la place des meilleurs. À voir !