Disons-le sans se retenir. Ne calmons pas nos ardeurs et laissons-les s’exprimer. The Third Man, Palme d’or 1951, n’est ni plus ni moins qu’un chef-d’œuvre doté d’un scénario solide. Sa flatteuse réputation est légitime tant le film est de très honnête facture. Et il s’inscrit indéniablement parmi les plus grands films de l’Histoire du cinéma.


Soit la Vienne de l'après-guerre en proie à la misère et aux trafics en tous genres. Dans cette atmosphère austère et paranoïaque Holly Martins (Joseph cotten), un écrivain américain, souhaite rendre visite à son meilleur ami Harry Lime (Orson Welles). La joie des perspectives d’enfin se retrouver est de courte durée, on lui apprend que son ami est décédé dans des circonstances étranges. Commence alors une enquête pour la vérité qui dévoilera une nouvelle facette du personnage incarné par Orson Welles.


The Third Man est imprégné de l'art des croyances catholiques, de son sentiment pour le bien et le mal immanents, de sa fascination pour la narration avec les hommes en fuite et ou en poursuite. La ville de Vienne est corrompue et politiquement divisée, elle conçoit le complot qui a ses origines dans l’époque troublée de l’après-guerre. Un sujet particulièrement fertile qui colle merveilleusement bien aux pensées qui dominent les œuvres où l’on trouve le plus souvent Orson Welles que ce soit devant ou derrière la caméra : l’attrait séduisant du mal, l’amitié trahie, le pluralisme des êtres.


Orson Welles est l’homme mystère du film, celui sur lequel plane de nombreuses interrogations. Et il est intéressant de constater que son personnage fut aussi effacé que lui-même sur les lieux du tournage. En effet, Welles vagabonda telle une ombre dans le film comme sur le plateau de tournage. Un véritable fantôme qui a malgré tout englouti tout le métrage au point que certains pensent encore qu’il fut derrière la caméra de The Third Man. Son implication resta pourtant discrète avec de nombreuses absences et quelques exigences délirantes, forçant à l’utilisation de doublures, même si on lui doit des conseils sur les dialogues et quelques plans. C’est donc pour ainsi dire sa seule prestance naturelle qui fit passé l’acteur de l’ombre à la lumière. Une prestation d’acteur si dévorante et distante à la fois qu’elle en devient par sa singularité la première véritable raison du succès du film.


Mais ce n’est pas la seule, ce film noir britannique détient aussi de solides atouts notamment dans le domaine de la mise en scène. Carol Reed travaille l’environnement et son caractère austère pour qu’on en ressente tout le fardeau qui pèse sur les personnages. Telle l’utilisation de l’angle oblique qui véhicule une idée de malaise ou d’inconfort chez le protagoniste. Ou lorsque cette ville, véritable personnage à part entière du métrage, dévoile son angoisse ambiante qui fait tout le charme de son identité : les ombres des personnages envahissent régulièrement les murs de la ville et ajoutent une touche macabre à l’aura déjà inquiétante du film. Vienne est finalement le reflet de la situation de l’époque. Désordonnée, elle est en quête d’équilibre en cherchant ses nouveaux repères comme chacun de ses citoyens. Soit une reconstitution soigneuse d’une certaine réalité de l’après-guerre.


Pour le reste, le film brille aussi par son rythme. Orson Welles apparaît tardivement et c’est donc la mécanique de l’enquête qui dynamise l’intrigue pendant un long moment. Elle cède ensuite sa place à l’étrange en jonglant habilement avec le réel et l’illusionnisme dans le but de développer plus encore l’opacité de l’histoire. Alors vient la séquence d'action finale, plus mouvementée, qui restera dans les mémoires : la course poursuite dans les égouts. Époustouflante par sa tonalité mais aussi par son impact visuel.



Conclusion :



The Third Man se caractérise indéniablement comme un film noir très pessimiste. Une partie de sa structure est « wellesienne », mais il faut rendre justice au travail de Carol Reed. Car c’est bien l’union de ces deux pattes artistiques qui fait du film une véritable légende du 7e art.



Combien d'occasions, d'éclairs de lucidité l'on perd,
simplement parce qu'une besogne n'est plus qu'une besogne.


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le 30 déc. 2021

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Death Watch

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