Voir le film

Jusqu’à présent, les gialli de Lucio Fulci m’ont agréablement surpris, s’écartant plus ou moins des conventions du genre pour tenter quelques audaces. En l’occurrence, « Una lucertola con la pelle di donna » ne prend pas de gant, et démarre d’emblée avec une séquence de rêve érotique, où se mêlent couloirs cauchemardesques et partouzes !

S’en suit une histoire de meurtre (évidemment !), où notre héroïne apprend que la voisine dont elle rêve fréquemment a été assassinée. Songes et psychanalyses seront au cœur du récit, l’enquête policière en second plan, comme souvent dans le giallo.

Néanmoins l’intrigue est plus cohérente que la moyenne du genre. Avec ici de nombreux faux suspects plausibles, et des parts d’ombres chez chacun, qui rendent les rebondissements crédibles. Tandis que le scénario propose un vrai fond presque politique. Se moquant avec un certain cynisme des bourgeois et de leur utilisation de la psychanalyse. Mais aussi des hippies, qui malgré leur mode de vie, ne sont guère différents des autres.

Mais ce qui m’a marqué ici, c’est la forme. Les séquences de cauchemars sont parmi les plus réussies du film, mêlant une ambiance pop avec un ton baroque (grands angles, montage psychédélique, images sanglantes, musique trippante d’Ennio Morricone…). Et jouant avec de nombreux symbolismes sexuels très évidents.

Je soulignerai aussi l’excellente séquence de poursuite à Alexandra Palace, qui exploite à merveille l’immensité du lieu. Et oui, le film a été tourné en partie à Londres !

Question boucherie, la légende raconte que Lucio Fulci fut convoqué devant les tribunaux pour une mémorable scène mettant en avant des chiens mutilés. Il fut « sauvé » par Carlo Rambaldi, légendaire spécialiste des effets visuels, qui démontra que non, les animaux à l’écran n’étaient pas des vrais !

Côté acteurs, comme d’habitude la distribution féminine est sculpturale. Avec notamment Florinda Bolkan, qui jouera un rôle secondaire important dans le giallo suivant de Fulci, « Non si sevizia un paperino ». Ou Anita Strindberg, qui passe beaucoup plus de temps nue qu’habillée… Chez les messieurs, Jean Sorel, habitué du giallo, a un rôle en retrait. Quant au respecté Stanley Baker (!), on se demande comment il atterri dans cette coproduction italo-franco-espagnole…

Je terminerai en parlant du titre, clairement bricolé pour surfer sur la mode des gialli au titre animalier, alors fraîchement initiée par Dario Argento. Et qui ne trouvera qu’une maigre justification dans les dialogues. Côté français, c’est là encore du fumage de moquette, car il n’est aucunement question de venin ou de poison. Je tire tout de même mon chapeau à cette affiche française aussi improbable qu’incroyable !

Redzing
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 1971, Les meilleurs giallo et Les meilleurs films de Lucio Fulci

Créée

le 26 juil. 2023

Critique lue 107 fois

5 j'aime

5 commentaires

Redzing

Écrit par

Critique lue 107 fois

5
5

D'autres avis sur Le Venin de la peur

Le Venin de la peur
oso
7

Un reptile sur le divan

Quand Fulci s’approprie le giallo, il le fait avec sa propre sensibilité, sans forcément prêter attention aux codes qui régissent le genre. Point de tueur au sens premier du terme, point de passages...

Par

le 17 nov. 2014

16 j'aime

3

Le Venin de la peur
Teklow13
8

Critique de Le Venin de la peur par Teklow13

Fulci est le cinéaste de la transformation de la chair et du pourrissement des corps. Il traite ce sujet dans quasiment tous ses films en le déclinant sur le fond comme sur la forme. On retrouve...

le 13 avr. 2012

8 j'aime

Le Venin de la peur
Redzing
7

Giallo passe-partouze

Jusqu’à présent, les gialli de Lucio Fulci m’ont agréablement surpris, s’écartant plus ou moins des conventions du genre pour tenter quelques audaces. En l’occurrence, « Una lucertola con la pelle di...

le 26 juil. 2023

5 j'aime

5

Du même critique

Athena
Redzing
7

Les Trois Heures du Condé

« Athena » semble avoir divisé son public. Entre ceux qui y ont vu enfin un film français flamboyant à la mise en scène ambitieuse, et ceux qui ont pointé du doigt un film vide de sens, destiné à de...

le 29 sept. 2022

33 j'aime

4

Sisu - De l'or et du sang
Redzing
7

Finnish him !

A travers cette histoire d'orpailleur vagabond harcelé par les Nazis, Jalmari Helander livre un hommage assumé au premier Rambo, dont il reprend la structure narrative. Ici, notre homme est un ancien...

le 29 mai 2023

23 j'aime

3

Le Dernier Mercenaire
Redzing
2

Et pourtant il l'avait prédit...

En 2001, alors qu'il fait la promo de "Replicant", Jean-Claude Van Damme est invité sur un plateau télé français. Il expose, dans un franglais plus ou moins cryptique, les principes de ce qui...

le 30 juil. 2021

18 j'aime

15