Le titre original du "Vent de la plaine" est "The Unforgiven". Ce titre signifie "les impardonnés". Voilà de quoi simplement désamorcer les accusations faites à ce film par bien des gens. A commencer par le réalisateur lui même qui dénigra le film sous le fallacieux prétexte qu'il n'a pu assister au montage et n'a pu maîtriser la production qui lui ordonnait des modifications ou des coupes. Or cette société de production "United Artists", où il y avait Burt Lancaster et d'autres acteurs, finançait la "production indépendante" (= non hollywoodienne) aux USA. Et puis on connait la mégalomanie de Huston ...


Bref, on va ici plutôt discuter du film et de ce qu'on peut y percevoir en l'état où on peut le voir aujourd'hui.


D'abord le scénario raconte l'histoire d'une jeune fille, Rachel Zachary, adoptée très jeune par une famille de pionniers. On découvre peu à peu qu'elle est probablement d'origine indienne. Elle est alors rejetée par la communauté blanche qui a eu beaucoup à souffrir des indiens dans le passé et dans le présent. Par contre, sa famille adoptive la protège farouchement contre cette communauté mais aussi contre les indiens, insidieusement prévenus, désireux de la récupérer.
En somme, c'est l'histoire de "la prisonnière du désert" à l'envers !


Le film pose clairement et de façon non manichéenne une réflexion sur le racisme. Le film décrit les relations complexes entre un peuple qui a été dépossédé de ses terres et des pionniers qui les ont chassés. Le premier coupable sera, sans aucun doute, le blanc, le conquérant qui envahit. Mais dès lors que l'indien se défend et tue quelques blancs, la relation est peu à peu modifiée et se transforme en haine durable et en totale incompréhension. C'est l'origine du racisme.
C'est ce qu'on voit dans le film entre la communauté blanche et la communauté indienne. Les pionniers à qui on avait promis des terres gratis (et la richesse assurée) se retrouvent à devoir se battre contre les anciens propriétaires qui ont, de surcroît, une culture différente.
Par exemple, la famille Rawlins, qui a perdu dans ces luttes plusieurs membres à chaque génération, refuse d'admettre en son sein, Rachel Zachary promise au fils Rawlins dès lors qu'est révélée l'origine indienne de Rachel. C'est clairement du racisme.
Là où le film se complique singulièrement, c'est à propos de la famille Zachary. C'est que la famille Zachary a aussi, en toile de fond, la même haine vis-à-vis des indiens parce que le père Zachary fut tué par eux. Le comportement des indiens, cette fois est tout autre. Ils ne veulent pas récupérer les terres mais Rachel qui leur a été enlevée tout bébé, il y a peut-être une petite vingtaine d'années. Or Rachel a été élevée et est désormais considérée comme une Zachary au point qu'elle fait partie intégrante du clan Zachary. Elle a "remplacé" un autre bébé qui venait de mourir et que la mère Zachary nourrira comme elle aurait nourri son propre bébé s'il avait vécu. Plus, le fils ainé Ben Zachary est profondément amoureux de Rachel. Cette fois ce n'est ni du racisme, ni de la haine mais la défense grégaire du clan contre quelqu'un qui veut sa destruction ou son démantèlement. Ce n'est plus du racisme puisque le clan Zachary "oublie" que Rachel est d'origine indienne.
Dès lors, on comprend mieux le titre original du film : les impardonnés. Il s'agit bien de cela. Si on examine la plupart des héros ou héroïnes du film, on se rend bien compte que les haines résultent de crimes ou d'actes que les gens, blancs ou indiens, n'ont pu ou ne peuvent pardonner. Que ce soit l'assassinat du fils ou l'enlèvement du bébé.


Côté mise en scène, on a affaire à un film magnifique entre les belles scènes de chevauchées (en particulier la poursuite à cheval avec remplacement progressif de la monture) et la scène de l'attaque de la maison Zachary. N'oublions pas l'utilisation iconoclaste du piano à queue en pleine campagne.


Côté casting, c'est aussi magnifique.
Audrey Hepburn sous-tend bien évidemment l'ensemble du film et est extrêmement émouvante que ce soit dans sa relation avec Ben (Burt Lancaster) ou encore avec sa mère adoptive (Lilian Gish). Il n'y a aucun manichéisme dans son personnage qui choisit naturellement sa famille adoptive qu'elle vénère et qui l'adore. Elle n'hésitera pas à protéger sa mère adoptive.
Sacrée artiste, cette Lilian Gish, star incontestable du muet. Ici elle joue le rôle de la mère adoptive qui porte en elle un amour incommensurable pour sa fille Rachel comme pour ses autres enfants et en même temps une faute qui la ronge. Difficile d'oublier son rôle très bien joué.
Burt Lancaster est le fils aîné Zachary. Comme souvent dans ses rôles, c'est l'homme entier, droit. Il est loin d'être manichéen car tous les moyens seront bons pour défendre Rachel même s'ils sont border line face aux indiens. On comprend vite que Rachel est sa chasse gardée. Et on comprend tout aussi vite que Rachel s'en amuse mais est muettement subjuguée.
Audie Murphy joue le rôle d'un frère de Ben Zachary qui a conservé la haine des indiens (on est dans le schéma initial de la communauté des pionniers) mais son attachement au clan Zachary lui fera surmonter cette haine.
Le reste du casting est très bon avec Doug McClure en fils cadet Zachary, John Saxon en cow-boy d'origine indienne (qui veut enlever une paille dans les cheveux de Rachel au grand dam de Burt Lancaster) mais surtout John Bickford en (habituel) vieux patriarche de la maison Rawlins qui se fera le porte parole de la communauté blanche pour rejeter Rachel.


"Le Vent de la plaine" est une puissante et subtile réflexion sur la tolérance, la haine et le racisme. C'est un film qui refuse tout manichéisme en posant les problèmes clairement sur la table et en renvoyant dos à dos les héros et héroïnes qui ne sont jamais complètement innocents.


C'est certainement un des plus grands westerns (pour moi, bien sûr)

JeanG55
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le 26 févr. 2022

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JeanG55

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