A 73 ans, Hayao Miyazaki, a décidé de mettre un terme à sa carrière 50 ans après ses débuts. Celui que l’on considère comme un dieu vivant au Japon de par l’inspiration considérable qu’il aura suscité nous livre, pour son dernier film, Le vent se lève, sublime fresque romanesque sur l’histoire du Japon. Une œuvre somme qui réunit tous les thèmes de prédilections du maitre et bien plus encore.
Comme tous les grands artistes, Miyazaki a des thèmes récurrents qu’il développe de films en films. Le principal : l’aviation. Une passion héritée de son père, directeur d’une entreprise en aéronautique, est qui sera au cœur d’une grande partie de son œuvre notamment Nausicaä de la vallée du vent, Le château dans le ciel et bien évidemment Porco Rosso. Une passion qu’il inscrit dans un contexte de guerre (que sa famille essayera de fuir à sa naissance) englobé d’une mythologie proche, voir, carrément fantastique. Et c’est là que son nouveau film change la donne.
Difficile en effet de ne pas tomber dans la redite après avoir traité plusieurs fois un même sujet. Pourtant, malgré la guerre toujours présente, Miyazaki encre son récit dans un contexte plus réaliste puisqu’il s’inspire de l’histoire vraie de Jirō Horikoshi connu pour avoir conçu les bombardiers Japonais appelé « Chasseurs Zéro ». Le film suit son parcours de son enfance à sa consécration ce qui permet à Miyazaki de s’intéresser autant à l’humain qu’au Japon de l’époque.
En effet, le film débute par la représentation du tremblement de terre de 1923 qui dévasta Tokyo et qui aura de grave répercussion sur le pays. Miyazaki profite de cette séquence pour introduire l’histoire d’amour de son film, la catastrophe devenant dès lors un élément symbolique de sa continuité. De plus, la majorité du long-métrage se déroule dans les années 30-40, époque où le Japon subit une crise économique forte (une scène où une banque ferme ses portes devant des clients hystérique montre bien cette réalité) et une compétitivité industrielle constante (le héros sera envoyer en Allemagne pour espionner la concurrence). De cet état de fait, Miyazaki n’en perd pas une miette mais le montre avec la subtilité qu’on lui connaît. Pour lui, les méandres de l’histoire ne servent qu’à peindre des personnages profondément humains pris dans une tourmente dont il tente d’en échapper tout en conservant leur humanité.
Une humanité, comme toujours, à fleur de peau, sincère et universelle et qui prend ici une ampleur encore plus intime, puisque Miyazaki se livre personnellement via des éléments purement autobiographiques. Il est vrai qu’il l’as souvent fait mais jamais à ce point. Très marqué par le décès de sa mère d’une tuberculose, il destine la même maladie à Nahoko, la femme de Jirō, ce qui rend leur amour impossible et fait basculer le film dans le mélodrame old school bouleversant que n’aurais pas renié Douglas Sirk ou Kiju Yoshida dont La Source thermale d'Akitsu a dû influencer Miyazaki.
Film somme, Le vent se lève l’est aussi par son rapport au monde de l’enfance. Si ce n’est pas le facteur principale (les personnages sont, pour la première fois, des adultes), la première partit du film les montres enfants est c’est d’ailleurs à ce moment-là que ce dessine leurs destins. Jirō trouvant ses motivations et sa créativité dans ses rêves de gosses qu’il fera tout pour concrétiser. Ses même rêve qui devienne vecteur de séquence onirique et poétique propice à toucher l’imaginaire et la fantaisie que chérie tant Miyazaki.
Visuellement somptueux avec ses palettes de couleurs qui fait ressurgirent les émois des personnages et une mise en scène plus aérienne et mélancolique que jamais, Miyazaki signe l’une de ses œuvres les plus aboutit aussi bien sur le fond que sur la forme. Gorgé de symbole et de référence pictural comme ce plan de Nahoko surplombant une falaise et qui renvoie au tableau de Claude Monet La Femme à l’ombrelle. Miyazaki a aussi dû relever un défi de taille, celui de retranscrire avec finesse un élément par essence abstrait : le vent. Présent à la fois dans sa forme première (celle d’élément naturel) mais aussi spirituel et vecteur de sens (les amoureux ce rencontre grâce à lui et tombe amoureux en sa présence), Miyazaki réussis brillamment ce challenge grâce à une utilisation judicieuse du son et une mise en image remplit de détail qui font la force de l’œuvre. Accompagné par une musique somptueuse du grand Joe Hisaishi avec qui il collabore pour 9ème fois, Miyazaki nous offre le plus beau cadeau qui soit pour ses adieux.
Le vent se lève il faut tenter de vivre c’est ce que dit le poème de Paul Valery qui a donné son titre au film et c’est, au fond, ce qu’as tenté de nous dire ce conteur d’exception tout au long des 11 chefs d’œuvre qui jalonnes sa carrière. Il serait peut-être temps de l’écouter. A n’en pas douter, le monde se porterais beaucoup mieux.