En 2008, le cinéaste Hayao Miyazaki publiait dans le magazine Model Graphix un court manga inspiré du parcours de Jiro Horikoshi, concepteur de chasseurs et bombardiers pour Mitsubishi pendant la seconde guerre mondiale. Réticent à accepter la proposition du producteur Toshio Suzuki d'en faire un long-métrage, de peur principalement de laisser de côté le jeune public et de paraître faire l'éloge de la guerre, le papa de Chihiro finira par se jeter à l'eau, pour ce qui est censé être son dernier film.
Alors que le cinéaste abordait jusque-là ses diverses obsessions par le biais de la fable et de la fantasy, il ancre cette fois son récit dans un cadre réaliste, visant un public adulte, brossant le portrait de tout un pays à travers la biographie romancée de Hirokoshi, figure importante de l'aéronautique japonaise qui partage avec Miyazaki une passion incommensurable pour les avions.
Mais loin de tomber tête la première dans un académisme ronflant que l'on pouvait craindre, Hayao Miyazaki baigne son film dans un onirisme constant, dans une poésie salvatrice, illustrant le tremblement de terre de Kanto comme l'éveil d'une divinité longtemps en sommeil, transformant de simples aéroplanes en véritables dragons pourfendant le ciel, le travail incroyable sur le son et l'animation leur donnant une humanité sidérante.
Quête obsessionnelle d'une perfection qui ne conduira qu'à la mort et à la destruction, radiographie d'un pays et d'une industrie à l'aune d'un conflit sanglant, "Le vent se lève" est aussi la première histoire d'amour frontale de Miyazaki, une romance tragique et bouleversante apportant une émotion à fleur de peau à un univers si sérieux, valsant au son de la magnifique partition de Joe Hisaishi.
Film testament ou pas (seul l'avenir nous le dira), "Le vent se lève" est en tout cas une nouvelle merveille à mettre au palmarès du studio Ghibli, une ode à la vie émouvante traduisant avec force l'amour de Miyazaki pour ces monstres du ciel, un tour de force technique aux images éblouissantes qui devrait être étudié en école d'art (rien que pour l'animation des avions), tout aussi merveilleux et enchanteur qu'un Totoro sous la pluie.