Le Vent se lève par Rumol
« Le vent se lève, il faut tenter de vivre » Paul Valéry.
Quand un film de Miyazaki, poète de l’animation, commence par ce vers en français (chauvinisme quand tu nous tiens), on se doute que le film sera une poème visuel.
Dès les premières images, l’univers Miyazakien (après l’apport de ce monsieur à l’animation japonaise et internationale, je crois que l’on peut se permettre le terme) est très vite mis en place. Des décors extrêmement travaillés et des couleurs vives annoncent que le film sera à la limite du rêve et n’hésitera pas franchir cette barrière magique plusieurs fois.
Outre ces passages de rêve, le film garde une note très réaliste. La guerre même si elle est évitée le plus possible, nous est maintenue à l’esprit par des rappels constants. Nous sommes tout autant les destinataires de ces rappels que son personnage principal, rêveur et utopiste. Quitte à rester dans ce qui a fait la polémique du film, parlons du tabagisme. Jiro Horikoshi, personnage principal, fume tout autant qu’un de ces inspecteurs des films noirs américains. On imagine facilement le problème dans notre société qui est en guerre ouverte contre le tabac. Où va le monde si un des réalisateurs admirés des jeunes enfants se met à nous montrer un héros qui fume…
Si le film parle des rêves et ambitions d’un enfant qui grandit, il est formellement adulte par la présentation et l’évolution de ses personnages.
Un ensemble trop réaliste a surement dû ennuyer le maitre, c’est pourquoi tout au long du film, il ponctue certains passages d’humour, autant dans les dialogues, les situations et certains personnages. Toujours excellent dans ses personnages secondaires, Miyazaki renouvelle son exploit en nous offrant une palette de personnages dans tous les registres. Son supérieur explosif, sa soeur criante de sincérité, son ami proche, droit et synonyme du japon travailleur, un des pensionnaires de l’hôtel extrêmement mystérieux… Bref, tout est dans la nature et dans l’oeuvre de Miyazaki.
L’exemple le plus frappant de cet humour décalé et symbole d’une création artisanale reste ces quelques bruitages fait à la bouche (bruit de moteurs ou de sifflements de trains). Il injecte littéralement de la douceur et de la chaleur dans des faits qui, sans cet oeil d’enfant, nous aurait laissé froids et indifférents. Ces bruitages sont la parfaite transition pour parler du film en tant que poème visuel.
La poésie n’est autre que l’expression de sentiments et Miyazaki a su, grâce à ce genre d’artifices (bruitages, humour, détails insignifiants…) créer un ensemble mélancolique et sincère. L’histoire d’amour de Jiro est simple et pathétique (mais dans le bon sens du mot, émouvant, poignant, bouleversant). Il conte cette histoire aux multiples rebondissements avec autant de mélancolie que certains grands romantiques tout en ayant l’intelligence d’enlever le tragico-pathos de la partition.
Habitué à faire des films qui font rêver, ici Miyazaki s’est attelé, pour son dernier film, à faire un film sur quelqu’un qui rêve, peut être même que ce personnage pourrait être lui. Une sorte de film conclusion qui regroupe tous les arts qu’il a su développer tout au long de sa carrière.