L'aboutissement d'un rêve.
Je dois bien l'avouer, j'ai longuement essayé d'écrire ce billet sans spoilers. Et je me rend compte maintenant que, pour moi, la meilleure des façons de souligner l'importance qu'a pu prendre ce génie qu'est Miyazaki dans ma vie cinématographique, est de parler de son dernier film en détail, avec donc, quelques petits spoilers, pour lesquels je m'excuse d'avance.
Hayao Miyazaki est un génie. Un maître dans bons nombres domaines. Une inspiration pour moi à chaque film, chaque nouvelle aventure, chaque nouveau conte dans lequel il nous plonge, 2h durant. Je l'ai découvert au cinéma en 2002, j'avais 9 ans, avec la ressortie du Château dans le Ciel dans les salle. Jamais je n'avais été aussi bouleversé devant un film auparavant, tant et si bien que cet opus reste mon premier réel souvenir cinématographique. Je sais qu'il y en a eu d'autres avant, mais celui là écrase tous les autres. Et pour avoir vu tous ses films une bonne dizaine de fois, je peux vous assurer que, bien qu'il soit différent de ce qu'il a l'habitude de produire, Le vent se Lève rentre à merveille dans cette filmographie majestueuse.
Ce film, je le considère comme étant un aboutissement de son œuvre, un point final exceptionnel à une carrière exemplaire remplie de joie et de tristesse. Oui, je crois que Miyazaki est un de ces rares réalisateurs capables de nous faire sourire bêtement devant l'un de ses films (Totoro par exemple), de nous rendre triste (Nausicaa) ou de nous effrayer devant un autre (Mononoké). Il ne sont pas nombreux dans le monde, et je crois qu'il est le seul à avoir cet effet là sur moi. Il fait ressortir mes émotions les plus enfouies à chaque visionnage, transformant chacun de ses films comme étant une expérience fabuleuse.
En sortant du cinéma, j'ai longuement discuté avec un ami, qui m'affirmait que ce dernier film était carrément une autobiographie de son auteur. Et je ne peux que l'approuver, je l'ai ressenti par moment également. Comment ne pas voir Miyazaki dans Horikoshi, lorsque celui là travaille, passionné comme jamais ? Jiro Horikoshi représente tout à fait l'idée que je me faisais d'Hayao Miyazaki. Ce côté passionné, ce côté travailleur, et lorsque je vois l'ingénieur dessiner, je ne peux m'empêcher de penser à ce même Miyazaki.
Ce film possède une odeur particulière dans son traitement, on sent que le maître prend son temps, les notes d'Hisaishi résonnant au rythme d'un dessin qui atteint la perfection. Un dessin totalement épuré qui donne l'impression d'avoir une feuille de papier en mouvement. Plus de couches collées les unes sur les autres comme dans Totoro, le tracé est fluide ici, et aussi précis que la courbure d'une arête de maquereau.
En décidant de se lancer dans une sorte d'autobiographie, Miyazaki a envoyé ses inspirations et énormément de références à sa propre filmographie. Je pense à la représentation du tremblement de terre, qui m'a beaucoup fait pensé à un certain Satoshi Kon et son travail sur Paprika. Cette façon de représenter le danger à travers un travail sonore de qualité, la terre crie sa souffrance, comme elle le fait dans Mononoké, j'ai vu la petite Mei de Totoro à travers la jeune soeur d'Horikoshi, j'ai vu le robot détruit du Chateau dans le ciel à travers la carcasse d'un avion (=> http://03.wir.skyrock.net/wir/v1/resize/?c=isi&im=%2F1258%2F79941258%2Fpics%2F3030711518_1_15_L1fY7HF8.jpg&w=304 & http://4.bp.blogspot.com/-SdBywZvbGKk/UuDs9EEv3vI/AAAAAAAAGV0/9gM61ZFctZQ/s1600/le-vent-se-l%C3%A8ve-chasseur-zero.jpg), j'ai vu un homme tomber amoureux d'une jeune fille, nous livrant ainsi une histoire d'amour aussi terrible que passionné que celle d'Ashitaka et San dans Mononoké, j'ai vu des Ômus à travers le bombardement de la scène d'ouverture, j'ai adoré la représentation de l'univers du rêve et cette relation si particulière qu'entretiennent Jiro et Caproni.
Et j'ai pleuré.
J'ai pleuré lorsque j'ai vu Miyazaki nous peindre un amour impossible, une romance absolument horrible qui me déchire les entrailles, j'ai pleuré à la fin du générique lorsque s'affiche le mot FIN en grosses lettres.
Cette romance est magnifique et terrible à la fois, sans en rajouter le réalisateur nous emmène avec eux, dans leurs joies et leurs peines, dans leur passion et leur séparation. Il la termine de façon horrible en terminant son film. Horikoshi a atteint le but de sa vie professionnelle, mais voit sa femme le quitter pour toujours. Cette scène finale qui prend place dans un rêve, tout un symbole, me détruit et me consume petit à petit.
Le film m'a retourné d'une façon dont peu de ses films peuvent le faire. Et pourtant ce n'était pas gagné d'avance, le film étant très différent dans sa façon d'aborder les choses. Miyazaki tourne le dos à tous les principes qui ont fait son œuvre ce qu'elle est aujourd'hui : pas d'héroïnes mais un héros masculin, plus d'enfants, place à l'âge adulte. Ce film est d'une maturité impressionnante, la vie semble plus réelle et finalement plus dure à appréhender pour nous spectateur. Le réalisateur japonais nous avait habitué à peindre des univers enchanteur, parfois sombres, mais toujours fantastiques. Et jamais il n'avait représenter la réalité. Une réalité sombre, où voler dans les airs n'est pas si facile que ça l'est dans le Château dans le ciel, et où les personnages peuvent mourir de graves maladies. Miyazaki a tourné la page une bonne fois pour toute, et nous dis au revoir en atteignant la maturité de ses personnages, et les enjeux pour lesquels ils vivent.
Un certain Paul Valéry a dit un jour "Le vent se lève, il faut tenter de vivre". En donnant cette phrase comme titre à son film, Miyazaki nous dit au revoir, et nous lègue un héritage. Ce film me pousse à réaliser mes rêves, tout comme l'univers enchanteur de son réalisateur m'a toujours poussé à imaginer plus loin que la simple pensée rationnelle. A toi, Hayao, merci pour tout, tu as réalisé ton rêve et tu l'as emmené (et moi avec) vers des imaginaires infinis et à jamais gravés dans ma mémoire.
Le vent se lève, un grand monsieur tire sa révérence.
Il faut tenter de vivre, Tu peux compter sur moi, je ferai de mon mieux.
Merci monsieur, et adieu.