Une prairie verdoyante qui s'étend à perte de vue, un ciel d'un bleu azur saupoudré de nuages cotonneux et une brise croissante venant caresser l'herbe : pas de doute, nous voici bel et bien dans l'univers de Hayao Miyazaki.
Né en 1941 à Tokyo, la Seconde Guerre Mondiale a un impact notable sur l'enfance du futur réalisateur. Son père Katsuji Miyazaki est directeur de Miyazaki Airplane, une entreprise d'aéronautique spécialisée dans la confection de gouvernes pour les avions de chasse de l'armée japonaise : le Mitsubishi A6M, à savoir l'aéronef réalisé par Jiro Horikoshi, le héros de Le vent se lève
Féru d'aviation depuis son plus jeune âge, à l'instar du protagoniste de son dernier film, Miyazaki souhaite à tout prix faire partager sa passion tout en conciliant le dessin (admirateur invétéré d'Osamu Tekuza ) et le cinéma (premier choc cinématographique Le serpent blanc de Taiji Yabushita, dont Miyazaki avouera être littéralement tombé amoureux de l'héroïne principale).
Il était donc logique que le réalisateur revienne début 2014 à son sujet de prédilection : l'aviation. Inspiré de la vie de Jiro Horikoshi, le film narre le destin d'un ingénieur en aéronautique et de sa création : le terrifiant bombardier japonais, le Mitsubishi A6M.
Pour la première fois dans toute sa filmographie (bien que Porco Rosso se déroulait également dans un contexte clairement défini, le statut même du héros faisait balancer l'oeuvre dans le genre du fantastique) Miyazaki s'est inspiré d'un personnage ayant réellement existé, ce qui donne à l'ultime oeuvre du Maître un côté très "grave".
Plus question de créatures étranges ou de sorcières démoniaques : dans Le vent se lève, ce sont bien les êtres humains et notre monde qui sont dépeints.
Au niveau de la réalisation, c'est splendide : le rendu est très agréable, très coloré, et n'a rien à envier aux peintres impressionnistes. En revanche, le scénario est assez linéaire, ce qui peut donner une certaine sensation de lourdeur au film. Pour ma part, je le trouve relativement intéressant car si l'on imagine bien que le héros va parvenir à réaliser l'avion de ses rêves on regarde, ébahis, les différentes péripéties qui se succèdent devant nos yeux. Des échecs (nombreux) aux réussites, des joies aux crises de larmes.
La tête dans les nuages et prenant pour modèle l'entrepreneur italien Giovanni Caproni, qui a également réellement existé, le héros devra venir à bout de la conception de son avion, apprendre à se connaître et à repousser ses limites.
Bien que le film traite principalement d'aviation celui-ci aborde, tout comme les deux derniers films de Miyazaki, le thème de l'amour. On suit les aventures de Jiro Horikoshi et de sa muse, Nahoko Satomi, qui aura une importance capitale dans la réalisation du prototype imaginé par notre héros. Le vent, qui a une place prédominante dans la filmographie de Miyazaki (de Nausicaä de la Vallée du Vent, en passant par Porco Rosso ou Kiki la petite sorcière) a encore une fois dans son film un rôle majeur : celui de rassembler (la première rencontre entre Jiro et Nahoko), d'inspirer (Jiro, à défaut de pouvoir piloter en raison d'un problème de vue, souhaite construire de "beaux avions") mais également de détruire (la conception d'un bombardier japonais, notamment utilisé lors de l'attaque de Pearl Harbor en 1941). Les deux protagonistes du film vont prendre conscience du prix à payer pour assouvir une passion, ou atteindre un idéal. Deux amants maudits, liés à la vie, à la mort.
Sans aucun doute le film le plus sincère, le plus accompli, et tout simplement le plus touchant de Miyazaki.