Le vent se lève!… Il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs!
- Paul Valery.
Ce sont les derniers vers du poème Le Cimetière Marin qui serviront de titre et d’inspiration à Hayao Miyazaki pour son nouveau film. Le dernier. C’est un sentiment étrange quand on a suivi la carrière du réalisateur, parcours sans la moindre fausse note. Après des débuts remarquables (la série Sherlock Holmes quand même, mais aussi Lupin ou du travail d’animation pour Isao Takahata), Miyazaki a enchainé les long métrages de haute tenue. De Nausicaa à Kaze Tachinu, il n’y a eu que des films que l’on peut qualifier d’excellents à absolument parfaits. C’est sans doute un cas unique dans l’histoire de l’animation et Le Vent Se Lève ne vient pas trahir cette règle. Le film est, une nouvelle fois, très différent des précédents mais est un merveilleux point final à la brillante carrière du maître.
Ce 11e film d’animation est sans doute le plus adulte. Dans Le Vent se Lève, le réalisateur évoque l’amour et la mort comme jamais auparavant. Pour cela, il choisit de raconter la vie d’un ingénieur japonais, Jiro Horikoshi. Né en 1903 à Fujioka, Horikoshi était depuis tout jeune un passionné d’aviation. Il construira le bombardier de chasse Mitsubishi A6M, un avion de guerre utilisé pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Pour ce biopic, car c’est bien ce dont il s’agit, Hayao Miyazaki choisit de se focaliser non pas sur la guerre mais sur l’homme. On découvre donc pour commencer Horikoshi rêvant de gros avions (au sens littéral, le film comportant plusieurs séquences oniriques) pour le suivre à différentes étapes de sa vie.
En 1923, alors qu’il n’est encore qu’adolescent, le futur ingénieur survit au séisme qui ravagea la plaine de Kanto. Il y fera la rencontre d’une jeune fille qu’il reverra quelques années plus tard et qui bouleversera son existence.
En choisissant l’humain par dessus tout, mais sans oublier au passage d’évoquer la construction d’avions à travers des séquences explicatives très bien trouvées, Hayao Miyazaki livre un film tout en douceur, dont la première partie est résolument calme avec de nombreux passages à la limite du contemplatif. Puis vient le drame, le séisme, véritable scène de kaiju ega où un monstre invisible grondant ravage une région. La scène est aussi courte que d’une intensité rare. Elle est d’autant plus importante que c’est au milieu de ce drame que Jiro va rencontrer la fameuse jeune fille… Et c’est aussi à ce moment-là que la citation de Paul Valery sera citée en français dans les dialogues pour la première fois.
« Le Vent se Lève, il faut tenter de vivre » n’est pas une citation prise à la légère parce que le co-fondateur du studio Ghibli l’a trouvée sympathique. Elle est le cœur même d’un film, résolument joli et coloré mais où va finir par planer l’ombre de la mort. Le vent y a une place importante. Il en a toujours eu une chez Miyazaki qui, dans ses précédents films, n’hésitait pas faire flotter les vêtements et les cheveux de ses personnages. Ici, il souffle à chaque moment important de la vie du héros. Et puis, plus simplement, que serait l’aviation moderne sans le vent ?
Le film évoque, la vie, la mort, la guerre et beaucoup d’autres choses encore. Mais surtout, il est avant tout l’histoire d’un homme et d’une femme, sublime histoire d’amour magnifiée par le génie narratif du réalisateur de Mon Voisin Totoro. Ou plus clairement : vous allez découvrir sans doute la plus belle histoire d’amour jamais contée dans un film d’animation. Certaines séquences entre Jiro et sa compagne sont à la fois simple et d’une intensité rare.
Toute la force du film repose donc sur cette apparente simplicité cachant en fait de vrais thèmes provoquant des émotions fortes, à l’image d’une scène où Jiro et sa compagne s’amusent avec des avions en papier. Contrairement à des réalisations plus légères ou d’avantage tout public, Le Vent se Lève est donc d’abord un film pour les adultes. Une nouvelle preuve qui nous vient du Japon pour démontrer que l’animation n’est pas seulement destinée aux plus jeunes.
Après un début tout en douceur, le film monte en puissance à travers ses thèmes et les émotions qu’il dégage. Du grand, du très grand cinéma.
Et quand le générique de fin arrive à l’écran, on ne peut s’empêcher de laisser couler nos larmes. Parce qu’on vient de voir un magnifique dessin animé et parce que ce sera le dernier. Comme beaucoup de gens, j’ai découvert Hayao Miyazaki d’abord sans le savoir à travers les séries auxquelles il a collaboré puis quand Disney a eu la bonne idée d’en devenir le distributeur en sortant Princesse Mononoke sur les écrans français. La suite est aussi évidente que le coup de foudre pour l’oeuvre d’un réalisateur capable de tout raconter.
Qu’il s’agisse d’une petite fille et son chat sur un balai, de gamines courant après des noireaudes dans une maison à la campagne, d’un ingénieur construisant des avions, d’un chateau dans le ciel peuplé de créatures mécaniques ou d’une fille masquée sur le dos d’un loup.
Alors pour tout cela, et bien plus encore : « どうもありがとうございます »