"Tu vois, c'est ça la chevrotine"

Un film qu'il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie.

Philipe Noiret incarne ici le pacifiste convaincu, le bourgeois humaniste qui n'a accumulé que les années de bonheur aux côtés de sa femme et de sa fille, brutalement tuées par des allemands désespérés à la veille de la libération. Anéanti et abruti par cet acte de barbarie gratuite, il décide de se venger à l'aide d'un vieux fusil conservé dans un coin de chapelle et tue un à un les allemands en mode Rambo, dans une variété de morts qui le ferait pâlir de jalousie.

La mise en scène extrêmement sobre et violente réussit à faire ressortir une force très crue qui nous fait partager les émotions qui animent le pauvre homme mieux que beaucoup de films plus récents et beaucoup plus expansifs.
Les flash-back de bonheur, qui ralentissent quelquefois le rythme du film, n'en sont pour autant aucunement nunuche ou cul-cul. La simplicité des flash-back, sans effet spéciaux ni trompette, fait ton sur ton avec l'opération de vengeance implacable, aveugle et calculée appliquée par le protagoniste dont le cœur est déjà mort. Tout est filmé avec une simplicité et un dépouillement qui montre cependant une grande qualité dans la mise en scène, le choix des images, des dialogues et bien évidemment des mythiques acteurs.

Simplicité et forces renforcées par cette poignante Bande Originale de François de Roubaix, le film étant accompagné par uniquement deux thèmes, l'un pour la thématique du bonheur candide à la "Martine va a la ferme", l'autre, faite d'un seul accord, pour la vengeance, les flammes et l'horreur. Ce thème qui colle si bien à cette situation qu'il n'est juste pas nécessaire de le développer, de le broder, et qui vous poursuit non seulement pendant le film mais aussi après.

Certaines scènes, extrêmement violentes et crues, sont tout de même des exemples de retenue et d'un savant jaugeage, à base de procédés de clair-obscur, d'un choix judicieux des bruitages, de cadres et d'autres "astuces" qui font ressortir les détails les plus sordides du massacre allemand sans nous inonder d'une violence aujourd'hui servie tous les jours au 20 heures.

Les émotions sont extrêmement bien retranscrites au spectateur, et tantôt l'on a la même froideur implacable que le protagoniste à regarder les anciens tortionnaires se débattre, tantôt l'on a envie de crier pour encourager le personnage "finish him!".

Le schéma bonheur niais -> élément perturbateur -> perte du bonheur -> vengeance -> triomphe du héros est d'un classicisme qui pourrait pousser à sourire. Sauf qu'ici, il s'agit d'une barbarie absurde, perpétrée par les incarnations rêvées du mal (des nazis qui tuent les femmes et les enfants, stupides et croyant jusqu'au être entourés de partisans de la libération) qu'on pourra détester sans arrière-pensée et jouir du spectacle de leur mort aussi légitimement que le héros les tue, un à un. L'affaire est d'autant plus personnelle qu'il refuse sciemment l'aide des partisans, au milieu du film, en les renvoyant à l'aide d'une ruse pour qu'il puisse terminer son travail seul.

On a donc la réponse à la violence par la violence par un homme qui un jour ne pensait pas tenir un fusil dans ses mains, et qui avait tout fait pour se tenir à l'écart des ennuis et du conflit sous toutes ses formes. Cet homme si pacifique fait place à un tueur froid et implacable, qui ne sourit ni ne pleure que quelques instants après la fin du massacre, le temps de refouler à vie les vingt-quatre dernières heures de violence qu'il vient de vivre.

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le 3 août 2011

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