Sorti en 1975 et réalisé par de Robert Enrico, Le Vieux Fusil est un drame poignant sur fond de seconde guerre mondiale. Du réalisateur français, je n'avais vu jusqu'à présent que son court métrage La Rivière du hibou, un petit bijou qui m'a poussé à explorer un peu plus en profondeur sa filmographie. C'est donc tout naturellement que je me lance dans le visionnage du Vieux Fusil, son film ayant rencontré le plus gros succès (critique et au box-office). A savoir également, qu'il remporta de nombreux prix lors de la toute première cérémonie des Césars en 1976 (meilleur film, meilleur acteur pour Philippe Noiret et meilleure musique). Il remportera aussi le César des Césars en 1985 qui récompense le meilleur film de la dernière décennie et qui ne sera attribué que deux fois dans toute l'histoire des Césars. C'est le Cyrano de Bergerac (1991) de Jean-Paul Rappeneau qui remporta le second en 1995.
Nous sommes en 1944, à la fin de la seconde guerre mondiale. Voyant la défaite s'annoncer, les allemands se sentent de plus en plus acculés et deviennent de plus en plus violents avec ceux qui soutiennent les résistants. C'est dans ce contexte qu'on va suivre Julien Dandieu (Philippe Noiret), un chirurgien humaniste qui soigne des blessés résistants dans son hôpital, malgré la présence de la gestapo qui le menace sur son lieu de travail. C'est alors qu'il prend peur et décide d'envoyer sa femme Clara (Romy Schneider) et sa fille issue d'un premier mariage, dans la campagne environnante pour les mettre à l'abri dans un château. Il ne sait pas qu'à ce moment là, il envoie sa famille dans la gueule du loup, puisqu'elles seront massacrées par une division allemande de passage dans le petit village. Julien décide alors de se venger, seulement armé de son vieux fusils (d'où le titre du film).
Le Vieux Fusil est un film de guerre et de vengeance, mais c'est aussi et surtout une histoire d'amour, celle de Julien et de Clara. On comprend très vite qu'ils venaient tout juste de se rencontrer avant que la guerre ne soit déclarée et que la France soit envahie par les allemands. Leur histoire d'amour est racontée en flashback et c'est ce qui constitue pour moi le principal intérêt du film. C'est une histoire d'amour tragique, portée par deux acteurs au sommet de leur art et par une écriture en tout point remarquable. La structure non linéaire (ou éclatée) du scénario est la grande réussite du film, en nous mettant au cœur du film, dans la tête du principal protagoniste.
Le Vieux Fusil est un film déchirant, qui vous prend aux tripes. C'est une véritable plongée dans l'horreur de la guerre, mettant en avant la beauté d'une histoire d'amour face à la brutalité humaine. Philippe Noiret subit le choc de voir sa femme calcinée et se remémore leur rencontre alors qu'il s'apprête (et s'attèle) à se venger. Il s'imagine également comment sa femme et sa fille ont été tuées (la scène avec le lance flamme est insoutenable), jusqu'à même imaginer un viol avant l'exécution. Ce qu'il subit, c'est l'horreur ultime et on est forcément en empathie avec lui. Le film nous montre aussi à quel point des horreurs ont été commises par les nazis durant la seconde guerre mondiale. Et même quand ils sont les vaincus, ils laissent des cadavres derrière eux.
Bref, Le Vieux Fusil est un film coup de poing qui bénéficie beaucoup de la fine écriture de Robert Enrico et de son montage astucieux. Le présent, où Philippe Noiret poursuit sa vengeance dans le château, est entrecoupé de flash-backs qui montrent les instants partagés par le couple, jusqu'à la scène de leur première rencontre qui est magnifique. Et Robert Enrico n'essaie jamais de donner du sens à des crimes qui n'en n'ont aucun. C'est une instant d'horreur, où la compassion n'a pas sa place. Et puis, Philippe Noiret est formidable (fort et émouvant) face à une Romy Schneider d'une beauté exquise.