Ivy Walker (Bryce Dallas Howard), une jeune aveugle, habite avec sa famille dans une communauté qui vit en autarcie au milieu des bois. Nul ne peut s’aventurer au-delà de la limite clairement marquée à l’orée du bois, car dans la forêt vivent des créatures dangereuses qui n’hésiteront pas à attaquer les voyageurs un peu trop audacieux. Mais le jour où son fiancé (Joaquin Phoenix) est dans le danger et nécessite un médicament qu’on ne peut trouver que dans les villes, Ivy Walker n'hésite pas : elle traversera le bois coûte que coûte et affrontera les créatures…
Alors qu’on était en droit de s’attendre à un film à frissons, étant donné le caractère apparemment fantastique du film mis en avant dans la bande-annonce et son réalisateur, déjà réalisateur de Sixième sens, film à l'ambiance intéressante mais au twist outrageusement artificiel, Le Village se révèle bien plus proche du drame que du fantastique, et c'est ce qui le sauve. En effet, le frisson est finalement très peu présent, et le scénario guère original… jusqu’à son deuxième twist, assez surprenant et plutôt bien amené.
Bien sûr, on sursautera à quelques reprises, mais le cœur du film se concentre davantage sur le drame humain que vit Ivy Walker, jeune aveugle que se disputent un handicapé mental et un jeune homme mutique qui n’exprime sa pensée et ses sentiments qu’avec une grande difficulté. Dans son approche de ce triangle amoureux, Shyamalan se montre d’une sensibilité et d’une délicatesse étonnante, abordant avec pudeur ce trio dans lequel aucun ne joue véritablement le rôle du méchant. Chacun est une victime à sa manière, et Shyamalan parvient à nous faire ressentir une immense compassion pour chacun des personnages, d’autant qu’il filme la souffrance humaine avec un véritable talent, renforcé par la photographie sans faille de Roger Deakins.
Mais c’est aussi grâce aux acteurs que Le Village parvient à atteindre une telle délicatesse. Si Bryce Dallas Howard nous livre une prestation époustouflante, Joaquin Phoenix et Adrien Brody sont absolument incroyables également chacun dans leur rôle, et c’est d’abord grâce à l’immensité de leur talent que le spectateur parvient à s’attacher à ce point à ces personnages.
Enfin, James Newton Howard signe ici une de ses partitions les plus inspirées, grâce à sa célèbre violoniste, Hilary Hahn, dont le compositeur exploite à merveille la virtuosité dans sa composition pleine d’élans lyriques auxquels il est impossible de ne pas succomber. Bien sûr, le scénario révèlera ses failles à plusieurs reprises et les incohérences inhérentes au cinéma de Shyamalan se retrouveront encore fréquemment dans cette œuvre, mais ce n’est guère l’important ici. Le Village, c’est avant tout un film d’ambiance, un drame humain profond, et le réalisateur nous le restitue ici dans toute sa splendeur et son intensité.