1950 semble être l'année de la création d'un genre cinématographique : le film sur Hollywood, ou plus précisément sur la perversité du monde d'Hollywood. "In a lonely place", "Sunset blvd." et "All about Eve" sortent cette même année. Deux romans ont abordé le sujet, mais n'ont encore jamais été adaptés : Day of the Locust et The last tycoon, ils le seront dans les années 70-80 par John Schlesinger et Elia Kazan.


"In a lonely place" est basé d'un roman de Dorothy Hughes. Comme beaucoup d’œuvres de Nicholas Ray, le film est étonnant, hors des cases et sur un fil. Il fait le portrait de Dixon Steele, un scénariste hors-sol, dandy et brillant, d'une ironie géniale, d'une profondeur qui le rend inhumain, inaccessible... sous son meilleur jour, ou bien pervers, harceleur et violent, égocentrique, malade mental, sous un autre jour.


Le mystère du film est de savoir s'il est l'un ou l'autre. Dans les deux cas, il ne peut supporter de vivre dans son temps, de vivre avec les autres, comme James Dean dans Rebel without a cause (et sûrement beaucoup d'autres personnages de Nicholas Ray).


Étonnant autoportrait, quand on sait (par Bogart lui-même dans ses interviews) que Nicholas Ray était très dur avec Gloria Grahame, l'interprète du personnage féminin amoureuse du héros et qui en paiera les frais, avant que Ray ne l'épouse, et ne divorce aussitôt.


Le sentiment de "vérité" contenu dans ce film en fait sa modernité, mais les atours classieux hollywoodiens, musique de mélo, noir et blanc parfait, acteur-vedette, fait comme un jeu de miroir sur le monde hollywoodien qu'il met à nu. Comme dans une scène étonnante où Dix dit à Laurel ce qu'est une bonne scène d'amour : "une scène où les personnages parlent d'autres choses, comme nous en ce moment, mais où ça crève les yeux qu'ils s'aiment", dit-il tandis que nous entendons une musique sirupeuse qui couvre la scène, et que nous voyons au contraire la fin d'un amour sous nos yeux.


Les mensonges d'Hollywood sont aussi montrés par le biais de l'intrigue policière qui irrigue le film, un meurtre sur lequel Dix est interrogé plusieurs fois. Un gros plan sur les photos du cadavre frappe pour son aspect franc et gore pour l'époque, sa présence dénote dans le cadre glamour, en apparence, de ce film de studio. La victime a été jetée du haut d'une colline, depuis une route en lacets... "Nous autres artistes ne jetons pas les cadavres, on les revêt de belles fourrures, on les mets en valeur en bas d'un escalier." Le film montre là encore l'inverse de ce qui est dit, la chair fraîche est salement jetée à Hollywood.

BlueKey
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mes films préférés (de 7 à 10) et Top Films noirs hollywoodiens

Créée

le 11 avr. 2020

Critique lue 235 fois

8 j'aime

7 commentaires

BlueKey

Écrit par

Critique lue 235 fois

8
7

D'autres avis sur Le Violent

Le Violent
Ugly
7

Quand le film noir se fait psychologique

Quatrième film de Nicholas Ray qui venait de diriger Bogart dans son film précédent, les Ruelles du malheur, le Violent offre sans conteste l'un de ses meilleurs rôles à la star des polars, et même...

Par

le 28 oct. 2017

32 j'aime

9

Le Violent
Halifax
8

Le pouvoir de la suspicion

Nicholas Ray aura certainement connu son heure de gloire dans La Fureur de Vivre. Il aura eu la chance, comme Elia Kazan, de diriger James Dean. Au delà d'avoir signé un film qui aura marqué plus...

le 9 janv. 2016

15 j'aime

1

Le Violent
lessthantod
8

“I lived a few weeks while you loved me”

Sorti la même année (1950) que All About Eve de Joseph L. Mankiewicz et Boulevard du crépuscule de Billy Wilder, In a Lonely place de Nicholas Ray et avec Humprey Bogart a dû faire face à une rude...

le 27 mai 2023

12 j'aime

15

Du même critique

Mulholland Drive
BlueKey
10

Critique de Mulholland Drive par BlueKey

Sorti en 2001, Mulholland Drive est rapidement considéré comme l’un des plus grands films de David Lynch et comme l'un des chefs d’œuvres du cinéma. Face à ce film retors, le spectateur peut se...

le 16 juin 2013

16 j'aime

Hercule Poirot
BlueKey
8

Critique de Hercule Poirot par BlueKey

Un téléspectateur français, de moins de 70 ans, pourrait croire que regarder Agatha Christie’s Poirot équivaut à regarder L’inspecteur Derrick, puisqu’elle est majoritairement regardée par le même...

le 16 nov. 2015

15 j'aime

3

Aimer, boire et chanter
BlueKey
7

Critique de Aimer, boire et chanter par BlueKey

Depuis les années 90 et sa première adaptation d'une pièce d'Alan Ayckbourn, on peut constater que les films d'Alain Resnais fonctionnent en duo, consciemment ou inconsciemment de la part du cinéaste...

le 26 mars 2014

11 j'aime

1