Le Visage d'un autre par jajard
Teshigahara Hiroshi est, me semble t-il, un réalisateur important du cinéma d'avant garde japonais. Il a pu notamment le prouver avec un de ces précédents film « La femme des sables » (1963). Dans « Le visage d'un autre », Teshigahara reprend les effets cinématographiques qu'il a pu développer dans ses films précédents tels que des close up et des gros plans qui viennent renforcer la dimension déroutante et bizarre de ses films. Néanmoins la réalisation impeccable et ingénieuse de ce film ne peut pas cacher certaines longueurs qui pèsent sur le récit comme ces longues discussions entre le médecin et son patient aux paraboles et métaphores nombreuses qui peuvent laisser de marbre le spectateur non japonais. Si l'étude de la psychologie du patient semble intéressante, celle si s'éternise un peu..., on aurait préféré plus de silences, plus de suggestions... A noter qu'en parallèle de l'histoire principale, on suit par moment une jeune femme, elle aussi défigurée, et qui se retrouve rejetée de tous (sauf par son frère...). Vivant seule avec son frère, elle fait de petits boulots et parle souvent de la guerre, comme pouvant avoir lieu demain... Ce film qui se passe dans la période d'après guerre et de reconstruction du pays, montre la difficulté pour ces personnes estropiées ou folles (comme ses anciens soldats enfermés dans un asile psychiatrique) de pouvoir vivre dans une société qui ne les ressemble plus, qui a un autre visage... La perte d'identité, le changement et le dédoublement de personnalité d'Okuyama (vivant dans la tradition avant son opération puis dans la modernité par la suite) et toutes ses choses qu'il peut faire avec son nouveau visage (crimes, viols...) renvoi directement à l'histoire du Japon, des atrocités de la guerre opérées par les japonais, à sa reconstruction rapide et sa transformation civilisationnelle rapide.
Outre ces questions d'ordre historiques et psychologiques, le film offre surtout de magnifiques plans et de nombreuses scènes étranges : ceux de cette homme dont le bandage recouvre l'intégralité du visage dans un scope en noir et blanc de toute beauté ; ceux du cabinet du médecin qui semble vide mais aux décors complexe, composé de prothèses de partie du corps disposés un peu partout, de jeu de miroirs et de vitres donne au lieu une aura étrange... ; cette scène finale ou tous les passants dans la rue n'ont plus de visage ; et enfin la performance de Nakadai Tatsuya toujours impeccable dans ses rôles qu'il habite (comme dans Goyokin de Hideo Gosha ou bien encore Harakiri de Masaki Kobayashi, entres autres...) Un bon film aux qualités visuelles irréprochables mais qui donne tout de même lieu à quelques longueurs.