Jamais entendu parler de ce vieux film pourtant non dénué de charme. Il n'a pas dû vraiment casser la baraque, et je comprends un peu pourquoi, j'en ai bien peur, malgré une photographie attrayante, de l'exotisme, une romance contrariée, une reconstitution soignée et des enjeux intéressants. Et peut-être trop adultes, finalement, pour attirer toutes les tranches d'âge. Une jeune bourgeoise, régulièrement humiliée par sa carne de mère, finit par épouser le premier venu pour lui prouver qu'elle a tort. Mauvaise idée, évidemment, car, à peine livrée à cet honnête homme relativement austère que le Destin met sur son chemin une option bien plus étourdissante, sexy et interdite : un homme marié avec lequel elle entame une liaison passionnée. Les jeux sont faits, l'étau s'est refermé sur cette jeune âme déterminée à apprendre à la dure, et la voilà mise au pied du mur par un mari outragé qui lui propose un marché de dupes. Ce qui les emmène en Chine, pour purger une peine matrimoniale plus lourde que du plomb. On pourrait se laisser épouvanter par ce sort funeste et l'épidémie de choléra qui sévit alentours, mais la mise en scène nous laisse deviner qu'un autre regard est possible. Le titre l'annonçait crânement : il y a une autre réalité derrière celle que nos yeux innocents acceptent comme intangible. Et ça, c'est intéressant. C'est celle que la littérature aide à percevoir. Celle que l'art vise, en général. Une trame subtile qui aurait autrement plus de sens que celle des drames quotidiens qui nous assaillent avec fureur. Mais il faut se donner une chance de la voir, nous dit cette histoire édifiante. Une chance de reconsidérer ses certitudes. Ce qui n'est pas donné à tout le monde, il va sans dire. Nos deux ex-tourtereaux naïfs et exigeants sont poussés dans leurs retranchements et finissent par baisser la garde. La récompense est à la hauteur du sacrifice, mais difficile d'en dire davantage sans gâcher le plaisir de ceux qui n'auraient pas encore tenté l'aventure. Evidemment, on peut être rétif au côté conte moral (dont un épilogue un peu inutile vient enfoncer le dernier clou) ou aux violons d'une histoire d'amour à rebondissements, mais ça serait dommage de passer à côté de lumières orientales (au propre comme au figuré) qui méritent le détour et proposent une certaine béatitude, à vrai dire. C'est beau visuellement et réconfortant moralement, les acteurs s'en donnent à cœur joie et des enjeux historico-politiques intéressants viennent couronner le tout.