Par une sombre nuit, alors qu'un long cambriolage est en cours, il est précisé que Georges Randal, escroqué par sa propre famille, était d'abord un voleur par dépit, avant de l'être par plaisir.
En signant Le Voleur, Louis Malle met en scène ce personnage assez froid et cynique, pouvant être aussi sombre que la nuit mais tout de même attachant, tant son parcours est d'abord injuste. A travers lui, c'est la bourgeoisie ainsi que les idées conservatrices qui sont mises en cause, mais aussi ce que représente dans la société moderne le pouvoir et l'argent, et à quel point ils peuvent corrompre les Hommes. Randal n'aura que du mépris pour cette classe sociale qui l'aura d'abord blessé, et ce sont eux qui vont finir par être ses principales cibles, parfois même de manière assez brutale.
La caméra ne quitte que très peu cet homme, que Louis Malle va suivre durant une partie du XIXème siècle, époque fascinante qu'il décrit très bien, à l'image de l'essor de nombreuses industries ou des prémices de révolutions, de l'anarchisme face à l'hypocrisie des classes soit-disant supérieures. Il parvient à mêler des thématiques profondes, avec une sensation d'aventure, de saisissants portraits ou encore une étude plus humaine, à l'image de la solitude qui s'accentue chez le protagoniste.
Cette adaptation du roman de Georges Darien s'accompagne d'une très belle reconstitution (décors, costumes, cadrage pour les mettre en valeur ...), permettant de mieux s'immerger dans l'oeuvre, étant bien sublimée par Louis Malle. Ce dernier maîtrise parfaitement le rythme, l'importance des dialogues ici souvent mémorables et dirige parfaitement les comédiens. Jean-Paul Belmondo apparaît ici à l'opposé des rôles qu'il avait jusque-là connus, que ce soit chez Godard ou dans des films d'aventure façon L'Homme de Rio, et se montre sobre, juste et froid, faisant mieux ressortir la solitude et les pensées du héros, et il est très bien accompagné, notamment par Geneviève Bujold, Charles Denner et Marie Dubois.
En signant Le Voleur, Louis Malle propose une oeuvre profondément humaine, visant avec justesse les milieux bourgeois et conservateurs tout en sublimant, avec une certaine fascination, un grand Jean Paul Belmondo, volant d'abord par dépit, avant de le faire par plaisir.