Pour avoir été fasciné par Ladi di biciclette, je craignais une déception et repoussais le moment d’engager le DVD dans la machine. Je l’ai revu, hier, avec un plaisir décuplé. Après l’échec de Sciuscià, c’est grâce à l’argent de ses amis que Vittorio De Sica adapte le roman de Luigi Bartolini. Le contexte est connu : l’Italie se relève avec peine d’une guerre perdue et de décennies de dictature. Fidèle aux aspirations du néoréalisme, il tourne dans Rome et dirige des acteurs amateurs. Ouvrier, Lamberto Maggiorani était venu présenter son fils ; il sera Antonio Ricci, le héros. Le jeune Enzo Staiola (Bruno Ricci) jouais dans la rue, sa démarche plut et il intégra l’équipe. Tous deux poursuivront dans la carrière, même si le jeune homme la quittera pour enseigner les mathématiques. Jouer est-il si simple ? Non, tout le mérite revient à De Sica qui sut choisir les acteurs adaptés aux rôles.
Après deux années de chômage, Antonio trouve un emploi. Son outil de travail, la bicyclette, lui est dérobé. Respectant la règle des trois unités du théâtre classique, De Sica met en scène ses efforts désespérés pour sauver son poste. Ce faisant, il filme Rome et les Romains. Tous les Romains, criants de vérité, ouvriers et chômeurs, dames patronnesses et bourgeois, prostituées et voyous, séminaristes et policiers, enfants et camelots… Les véhicules y sont étonnamment rares et les autobus pris d’assaut. Par des moyens différents, communistes et catholiques tentent de réintroduire une part d’humanité dans une ville appauvrie et meurtrie.
Antonio et Bruno capturent leur voleur. Hélas, si Ricci est pauvre ; il a conservé une famille, un toit et une dignité ; son détrousseur est misérable. Manipulé par la pègre, il a couru tous les risques pour une poignée de lires. Le vélo est loin. Ricci connaîtra la tentation, la honte et le pardon. Vaincus mais unis, le père et le fils, main dans la main, s’éloignent et, discrètement, je pleure.
PS : Le titre de ma bafouille est un emprunt au magnifique essai de Majid Rahnema.