Le voyage d'Arlow
Dernière production en date du couple Disney/Pixar, Le voyage d’Arlo bénéficie du soutien des fêtes de Noël pour gonfler de façon artificielle son nombre d’entrées. Comme le Beaujolais, le Call of...
le 26 déc. 2015
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Dernier film original du studio Pixar avant un planning chargé en suites en tous genres (Le Monde de Dory, c’est déjà en 2016…), Le Voyage d’Arlo constitue la première incursion des leaders de l’animation 3D dans un univers préhistorique et offre, avec un tour de passe-passe astucieux, la possibilité d’imaginer ce qu’aurait été la rencontre entre dinosaures et humains. Son approche originale peut-elle suffire à placer le film en marge de la production actuelle ?
En juin de cette année, Pixar sortait d’une longue traversée du désert et accouchait de Vice-Versa, qui avait à lui seul ravivé la flamme d’un studio en lente perte de vitesse depuis quelques temps. Le film renouait avec l’intelligence, la créativité et la force émotionnelle des grandes oeuvres pixariennes et le succès, commercial et d’estime, avait suivi. Pour la première fois de son histoire, le studio d’animation sort cette année non pas un mais bien deux longs-métrages. Le Voyage d’Arlo (The Good Dinosaur) a en effet connu une production houleuse qui n’est sans doute pas étrangère à ce choix de calendrier. Entre ses changements de personnel (Bob Peterson remplacé par Peter Sohn au poste de réalisateur) et de multiples reports de la date de sortie, le projet finit par accoucher dans un contexte un peu ingrat, le public s’étant à peine remis de Vice-Versa et surtout s’estimant en droit d’en attendre autant du dernier né.
Le Voyage d’Arlo aborde un sujet qui n’est pas forcément neuf dans le paysage de l’animation américaine. Un film mettant en scène un jeune dinosaure, privé par la force des choses d’un ou plusieurs parents et contraint d’entreprendre un périlleux voyage aux côtés d’espèces inconnues ? On pensera d’abord à Le Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles de Don Bluth (1988) devenu depuis lors un classique animé et sans doute la représentation du récit initiatique en mode saurien la plus juste, la plus belle et la plus émouvante. Disney avait déjà livré un paresseux plagiat du film de Bluth en 2000 avec Dinosaure. Le nouveau film de Pixar tente de se démarquer avec un point de vue original : celui d’une réalité alternative, où l’extinction des dinosaures n’aurait jamais eu lieu et où les immenses reptiles seraient doués de parole et cohabiteraient avec nos ancêtres. Arlo est le dernier né d’une famille d’Apatosaures cultivant la terre. Craintif et incapable d’affronter ses peurs, le petit se retrouve séparé de sa famille suite à un déchainement naturel. Pour retrouver les siens, il doit faire équipe avec Spot, un jeune humain au comportement proche d’un animal sauvage.
Vous l’aurez compris donc, Pixar ne navigue pas particulièrement dans des eaux originales cette fois. Qu’on se comprenne, l’originalité est un concept tout relatif lorsque l’on parle de cinéma, encore plus dans le cadre d’un divertissement familial et au budget conséquent, pensé pour plaire au plus grand nombre. Le studio a cependant toujours su faire la part des choses et marquer ses histoires de sa patte, que ce soit par leur univers ou bien par la double-lecture qu’elles pouvaient offrir. Ce n’est pas forcément le cas du Voyage d’Arlo, l’aventure traversée par les deux compagnons semble balisée, alternant de manière automatique les péripéties et autres rencontres plus ou moins mémorables. Le message du film est évident, explicité dès les cinq premières minutes et pas forcément mis en scène de manière intéressante. Dans Vice-Versa, tout le rapport à la tristesse était développé et intégré à la structure même du film, le film faisait ressentir et comprendre son message par l’émotion et la réalisation en elles-mêmes. Dans Le Voyage d’Arlo, on a certes droit à un beau “si tu n’as pas peur, tu n’es pas en vie”, cependant l’écriture ne fait jamais l’effort d’imager son propos et se contente de l’exprimer par les dialogues, sans y adjoindre le facteur du ressenti. On reste en surface, donc.
Le tout semble banal, certes, mais n’est pas dénué d’intérêt. L’écriture du film est conventionnelle tout en demeurant parsemée de moments de génie propres au talent du studio. Citons d’abord deux personnages principaux attachants et dont la relation fonctionne malgré son manque d’originalité. À ce titre, l’une des plus belles scènes du film est sans doute un dialogue muet entre Arlo et Spot où l’empathie surgit à fleur de peau. On peut également apprécier que, malgré son statut familial, Le Voyage d’Arlo n’hésite pas à faire preuve d’une certaine brutalité. La mort n’est pas épargnée aux yeux du public, le danger vécu par les personnages semble bien réel et le pauvre Arlo est constamment malmené par une nature bien plus grande et forte que lui. À l’heure de l’édulcoration à l’extrême du film pour enfants, c’est assez rare pour être signalé.
Le vrai tour de force du film est sans doute technique puisque les animateurs et graphistes du studio se sont un nouvelle fois surpassés. On est désormais proche du photoréalisme, dans le rendu graphique comme dans le soin apporté au détail, les décors, les effets de lumière, l’eau, les reflets sur la végétation… Tout est bluffant et rappelle que ce fut pendant tout un temps Pixar qui repoussait les limites de l’animation 3D, indiquant la marche à suivre à tous leurs concurrents. Après un Vice-Versa plus discret techniquement, il n’est pas désagréable de retrouver un studio à la pointe. Toutefois, la technique du film se heurte à quelques problèmes d’ordre artistique. Le film fait le choix de personnages au design très cartoons, aux gros yeux, aux traits arrondis, créant un contraste assez surprenant avec l’ultra-réalisme des décors. Le parti pris intrigue plus qu’il ne convainc et on se demande finalement si le film ne s’en serait pas mieux tiré avec une direction artistique plus fantaisiste, à la manière du Croods de Dreamworks. Le film n’est toutefois pas dépourvu d’idées visuelles, il y a un vrai soin apporté aux décors et un jeu sur l’imagerie du western, genre ô combien porté sur les vastes paysages américains.
Le Voyage d’Arlo ne manque donc pas de bonnes idées, mais n’en demeure pas moins un Pixar mineur, à ranger au côté des Rebelle et autres Monstres Academy. Une écriture ne parvenant pas à s’affranchir de ses références et dont le manque d’intelligence l’empêche de se hisser au panthéon du studio. On appréciera cependant le film pour ce qu’il est : un divertissement de qualité, techniquement ahurissant et malgré tout bien plus sincère et malin que toute une frange du film d’animation enfantin actuel (oui Les Minions, c’est vous que je regarde).
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Créée
le 26 mai 2016
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