Dire que l'on revoit le voyage de Chihiro est une absurdité tant l'oeuvre du maître Miyazaki se renouvelle sans cesse. La magie, la poésie dégagée à l'écran ne disparaît jamais et offre à chaque nouveau visionnage de nouveaux éléments, des passages enfouis dans la mémoire que l'on ne ressort qu'à la manière d'un vieux livre, dont on redécouvre les pages, la senteur du papier vieilli, on revisite cet autre monde, on retrouve ces personnages dont on a l'impression qu'on ne les a jamais quittés. Et vouloir critiquer un tel objet - tant l'univers est palpable - s'avère un exercice des plus difficiles.
Chihiro, cette petite fille innocente dans un monde de fous, cette humaine tout simplement, ne cesse d'émerveiller, d'émouvoir. On la suit, on découvre - encore - on se fait à cet univers tantôt sordide, tantôt fabuleux, on est perdu et puis on retrouve son chemin, sans trop de peine toutefois, les impressions de déjà vu fourmillant à chaque image. Car Le voyage de Chihiro est un rêve éveillé. Tant et si bien d'ailleurs qu'on pourrait se demander s'il a jamais existé, pourtant si réel et toutefois impossible. Un monde de démons, d'esprits, de sorcières plus ou moins bonnes, des dragons et un commerce impitoyable s'ouvre à nous et disparaît aussi subitement. La poussière est là, preuve que le temps a passé mais le doute subsiste.
Chihiro c'est donc ça, un renouveau infini pour une histoire magnifique, un dessin animé dans une autre dimension, au dessus de tout ce qui peut se faire. C'est une œuvre simple et complexe. C'est une retombée dans l'enfance et ses peurs, sa noirceur avec ses moments de pure tendresse, de beauté. Nul n'est besoin d'analyser avec des yeux d'adultes, c'est une perte de temps car oui, la magie a une part de mystère qu'on doit accepter.
Chihiro c'est l'œuvre d'un enfant devenu grand mais qui ne l'a jamais voulu, qui voit le monde tel qu'il est, qui en voit les défauts, les faiblesses et qui met le doigt dessus, assez naïvement et pourtant d'une manière on ne peut plus intelligente. L'un des travaux les plus aboutis du plus grand conteur japonais, qui tire sa force de l'imagination du spectateur : on se laisse porter, on comprend ce que l'on veut comprendre et surtout, cela a toujours du sens.
Chihiro c'est l'amour entre deux personnages à des années lumières l'un de l'autre, qui se rencontrent pour la première ou la deuxième fois, peu importe. C'est un esprit de bonté qui sauve une enfant de la noyade, c'est un dragon emprisonné qui a oublié son nom. Car qui est-on sans un nom, sans son identité ? Que peut-on espérer sans cela ? Et surtout, comment ne pas se corrompre si personne n'est là pour rappeler quelle est notre véritable personnalité ? Chihiro est là pour rappeler à l'esprit de la rivière qui il est et pour le libérer de cette façon. Une symbiose entre l'homme et la nature qui donne naissance à tout ce que l'on peut rêver.
C'est universel, c'est touchant, c'est beau, c'est une musique onirique, magique, un univers féérique, des parents stupides, une touche d'humanité pour beaucoup d'esprit et de poésie. C'est à voir, à revoir, à découvrir ou à redécouvrir. Le voyage de Chihiro c'est le voyage de tout un chacun de l'autre côté du tunnel. C'est tout ça et bien plus encore.