Se plonger dans le cinéma asiatique, c’est a priori, devoir découvrir plus en profondeur l’œuvre de l’un de ses maîtres : Wong Kar Wai. Car si In the Mood for Love est magistral, emplie d’une beauté à couper le souffle, il parait nécessaire de vouloir revenir quelques années en arrière pour mieux voir la brutalité de la transe générale qui peut se dégager d’un univers dont on ne sort plus vraiment, une fois entré.
Hong-Kong, la nuit. Le destin de trois personnes qui s’entrecroisent, aux destins divers et tous frappés d’une folie dont il est difficile de cerner l’ampleur réelle. La transe, la vie rêvée. Une vie brute et brutale, ressentie à chaque instant, changeant selon qu’on soit tueur à gages ou simple amoureux des glaces. Un grain d’image comme on a un grain, on tombe amoureux, on ne s’en remet pas – ou difficilement. La trame qu’on croit cerner perd peu à peu sa forme originelle pour muter et devenir l’œil du spectateur à travers le personnage. Pas besoin de longs discours, juste voir et se laisser guider par ces vies à leurs croisements.
Fallen Angels hante l’esprit du spectateur, longtemps après sa vision, des images reviennent en tête, on se prend à revenir et tenter de comprendre les réactions, de vouloir changer les choses, sans rien pouvoir y faire. La vie n’est que poésie, tout ne finit pas forcément bien pour autant. La transe a contaminé l’esprit, et les ralentis d’images saccadés des tueries et autres scènes communes montrent à quel point les trois héros (si tant est qu’on puisse parler de héros) sont déconnectés et ne perçoivent pas le monde tel qu’on pourrait le concevoir. Même l’acte d’amour leur est impossible, l’entrée en osmose avec autrui n’existe pas, du moins pour eux. Ils sont plus qu’introvertis, ils sont solitaires, comme s’il leur fallait cela pour pouvoir survivre.
Wong Kar Wai veut nous montrer à quel point la vie est un rêve et qu’il vaut mieux le vivre à deux. Aussi quand le tueur rejette toute relation et retrouve ses travers, il disparaît au contraire des deux autres protagonistes qui se retrouvent pour un final qui laisse sans voix. La thématique de l’amour impossible, chère au cinéaste est bien ici encore omniprésente et créé un paradoxe tant l’amour semble indispensable à la survie des protagonistes.
Le metteur en scène sait ce qu’il fait et réussit ce que peu de monde fera : il transmet son univers sans dégoûter, sans laisser perplexe et réussit à plonger le spectateur dans le film mieux que quiconque. La lenteur et l’ennui sont traversés de moments de fulgurance où les gestes les plus simples, les moments de complicité sont plus importants que tout le reste. Il n’y a qu’à voir combien la vidéo d’un fils pour son père peut émerveiller, sans qu’il ne dise quoique ce soit, l’émotion est transmise et le père, heureux, voit et revoit ce simple cadeau.
Au contraire de In the Mood for Love, qui était très léché, Fallen Angels est un objet pur en ce sens qu’il connaît ses imperfections, puisqu’il n’est que rêve et qu’en aucun cas il ne pourrait y avoir de frontières définies telles l’écran ou simplement la salle de cinéma. Tous les indices sont là pour montrer au spectateur que tout se passe dans sa tête, qu’il s’agit de son subconscient et pourtant l’illusion créée convainc. C’est là le véritable tour de force du film, qui permet d’adhérer complètement à chaque trait de caractère des personnages (la ville y compris), à chaque nouvel évènement.
Merci à @real_folk_blues pour ses précieux conseils et à sa critique emportée : http://www.senscritique.com/film/Les_Anges_dechus/critique/4980123. Première étape de mon voyage en Asie !