Illustration par l'exemple de la manière dont Tsai Ming-liang "entend" le cinéma, Le voyage en occident travaille sur le cadre [fixe], le temps [longueur des plans], le regard [les spectateurs anonymes] et la vitesse [la marche au ralenti du moine].
Dans les rues de Marseille, un moine marche au ralenti. Autour de lui, le monde s'affaire. Certains ne le voient pas, d'autres n'y prennent pas garde, on lui jette un regard, on s'arrête, une petite fille semble s'interroger. Le film se termine par un plan magnifique, une illusion d'optique, une peinture.
Lee Kang-sheng est impressionnant en figure symbolique de l'Asie, Denis Lavant parfait dans ce qu'il sait faire le mieux [le langage du corps], le film agissant sur nous comme une rêverie, une méditation, un poème.
On est alternativement celui qui regarde, celui qui regarde celui qui regarde, celui que l'on regarde, celui qui ne voit pas, celui qui traverse lentement, celui qui marche trop vite, celui qui suit, emboîte le pas, partage. On est en voyage.