Leaving Las Vegas de Mike Figgis, ce n’est pas un film divertissant et pour tout dire, je suis assez surpris de voir à quel point il est populaire encore aujourd'hui. C’est un film sérieux et très personnel, qui met mal à l'aise et qui nous fait ressentir la douleur vécu par les deux personnages principaux. Derrière ce film se cache une petite œuvre d’art et j'ai pris beaucoup de plaisir à la contempler.
Ben Sanderson (Nicolas Cage) est un alcoolique qui, après avoir été "libéré" de son poste bien payé d'auteur pour les grands studios, se rend à Las Vegas bien déterminé à dépenser la totalité de son indemnité de départ. Il a une idée fixe en tête, boire jusqu'à la mort. Mais alors qu’il erre devant les strip-club de Vegas, il rencontre Sera (Elizabeth Shue), une prostituée au visage d'ange, ayant elle même échappé au proxénète psycho abusif et borderline russe, Yuri (Julian Sands). C'est alors qu'une romance, improbable et certainement condamnée d'avance, commence à prendre forme entre ces deux âmes blessées. Mais sera-t-elle assez forte pour supporter les deux fardeaux, le sien et celui encore plus lourd de Ben ?
Vous serez prévenu, si vous n’aimez pas vous sentir épuisé d'un point de vue émotionnel et mis en difficulté sur le plan éthique, ne regardez pas ce film. Si la violence sexuelle, la toxicomanie et l’horreur de la vie quotidienne vous met mal à l'aise, ne regardez pas ce film. Si vous vous ennuyez facilement devant un film au rythme lent et uniquement basé sur l'ambiance, ne regardez pas ce film.
Basé sur le roman semi-autobiographique de John O’Brien, un écrivain alcoolique qui s’est suicidé avant que le film ne sorte sur grand écran. Le film est à l'image de son auteur, une œuvre triste, sombre et profondément bouleversante. Il n'y a aucun motif clair qui explique pourquoi Ben est entré dans la spirale de l'alcoolisme, si ce n'est que sa femme et son fils l'ont quitté. Mais sont-ils partis parce qu'il buvait ou s'est-il mis à boire parce qu'ils sont partis ? Nous ne le saurons jamais. Nous n'avons pas besoins de raisons particulière pour comprendre son comportement suicidaire. Ben Sanderson est un personnage profondément nihiliste, il est juste malheureux et n’y a aucune raison pour l'expliquer.
Au début du film, on voit Ben se balader le sourire aux lèvres dans les rayons d'une superette, remplissant rapidement son caddie à ras bord de bouteilles d’alcool. À partir de là, nous savons que ce n’est pas un alcoolique ordinaire, il est en mission pour se détruire et il le fait avec joie et bonheur (en apparence). Le temps de la rédemption, pour lui ce n'est pas pour tout de suite.
Nicholas Cage est formidable dans le rôle de Ben Sanderson, très convaincant et réaliste malgré son léger surjeu habituel. Dans le genre performance d'acteur dans un rôle d'alcoolique, il bat tout le monde à plates coutures. Il n'y a que la performance hallucinée d'Harvey Keitel dans Bad Lieutenant qui soit hors de sa portée. Elisabeth Shue est également incroyablement puissante dans le rôle de Sera, même si elle suscite des questions sur la raison pour laquelle elle serait autant attirée par la déchéance de Ben ? Sera est une prostituée qui essaie de survivre dans un monde sordide, on peut donc regretter qu'elle soit un peu trop douce et sensible pour être totalement crédible. Pour finir, mention spéciale à Julian Sands qui s'en sort avec les honneurs dans le rôle du proxénète russe. Généralement, prendre un acteur anglais pour jouer avec l'accent russe, ça ne fonctionne pas.
Réalisé par Mike Figgis, qui l’a tourné au format Super 16, le film a une image resserrée avec ce grain si particulière. Certains diront que c'est moche, moi j'aime beaucoup. Et puis le réalisateur britannique porte la double casquette de réalisateur et scénariste, puisque c'est lui-même qui a adapté le roman pour le grand écran. Il porte même une troisième casquette, celle de compositeur pour la BO du film qui est très jazzy, soulignant bien les émotions portées à l'image.
Le film a remporté un Oscar du meilleur acteur pour Nicolas Cage (amplement mérité) et a récolté trois autres nominations, de la meilleure actrice pour Elizabeth Shue, ainsi que ceux du meilleur réalisateur et de la meilleur adaptation pour Mike Figgis. Film très populaire et loué par la critique à sa sortie, il n’a rien perdu de son impact avec le temps (7.5/10).