Leaving Las Vegas est à n’en pas douter un des films les plus intraitables avec l’alcool, tout comme Requiem for a dream peut l’être pour la drogue et plus généralement l’addiction. En signant l’adaptation du roman autobiographique de John O’Brien (qui mis fin à ses jours peu de temps avant le début du tournage), le touche à tout Mike Figgis plongeait une nouvelle fois dans les travers de l’homme, qu’il évite pour autant de nous présenter comme une somme de défauts. En témoigne la prestation de Nicolas Cage (qui mérite amplement son Oscar du meilleur acteur pour ce film), épave ne sachant plus s’il boit pour se suicider ou se suicide pour boire, mais dont l’incroyable sourire, désarmant d’un générique à l’autre, contribue grandement à nous le rendre attachant. Rongée par la solitude après le « retrait » de son mac Yuri, Sera voit en Ben un renouveau salvateur dans son existence ballottée jusque là par le seul rythme des clients. Existence aussi glauque que malsaine dont le quotidien nous est narré par Sera elle-même dans plusieurs séquences de monologue où elle s’adresse probablement à un psy et qui confèrent au film comme un arrière-goût de documentaire. Existence dont le point culminant de noirceur sera bien entendu le viol des trois adolescents. Ce besoin de s’occuper de Ben, elle l’éprouve donc sans aucun doute parce que pour la première fois depuis longtemps elle croise quelqu’un en plus sale état qu’elle. Dès lors, le besoin qu’ils ont l’un de l’autre donne naissance à une très belle histoire d’amour, car un amour impossible. Une beauté enivrante, si j’ose dire, sublimée par un très beau score comme toujours orchestré par Mike Figgis lui-même. Bref, un très beau film.