Avec Lee, Ellen Kuras signe un biopic ambitieux sur une figure fascinante et trop peu connue : Lee Miller. D’abord mannequin et muse de Man Ray, puis correspondante de guerre pour Vogue, Miller fut l’une des premières femmes à documenter les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Kate Winslet, qui incarne ce personnage complexe, livre une performance habitée, portée par un regard intense et une détermination farouche. Mais le film parvient-il à capturer toute la richesse de son sujet ?
Une héroïne de guerre sublimée, mais édulcorée
Là où Lee excelle, c’est dans sa représentation du front. La caméra d’Ellen Kuras ne cherche pas à esthétiser la guerre : les scènes de chaos, de destruction et d’horreur sont filmées avec une sobriété qui évite tout sensationnalisme. L’une des séquences les plus marquantes demeure la découverte des camps de Dachau et Buchenwald, où Miller, derrière son objectif, bascule d’observatrice à témoin hantée.
Kate Winslet porte le film avec une intensité qui rappelle ses meilleurs rôles. Son interprétation oscille entre force brute et vulnérabilité, faisant de Miller une figure insaisissable, parfois même déroutante. Face à elle, Andy Samberg surprend dans un registre plus dramatique, bien qu’il reste en retrait.
Pourtant, le film peine à explorer les zones d’ombre de son héroïne. La complexité psychologique de Lee Miller – son alcoolisme, ses traumatismes, son rapport ambigu avec la célébrité – est effleurée sans être pleinement assumée. On sent une volonté de glorification qui, à force de retenue, lisse certaines aspérités de son parcours.
Une mise en scène élégante mais académique
Visuellement, Lee impressionne par son travail sur la lumière et la reconstitution historique. La photographie, baignée de tons sépia et gris, évoque l’ambiance des clichés d’époque. Mais si le film est esthétiquement maîtrisé, il souffre d’une mise en scène parfois trop sage, qui manque de fulgurances.
Là où un réalisateur comme Pablo Larraín (Spencer, Jackie) aurait osé une plongée sensorielle dans la psyché de son personnage, Ellen Kuras choisit une approche plus linéaire et classique. Ce choix, bien que pertinent pour rendre hommage à la photographe, prive le film d’un souffle véritablement cinématographique.
Un biopic nécessaire mais frustrant
Au final, Lee est un film important, ne serait-ce que pour remettre en lumière une femme hors du commun. Il offre une performance magistrale de Kate Winslet et un témoignage poignant sur le rôle des correspondantes de guerre. Mais il laisse aussi un goût d’inachevé, comme s’il n’osait pas aller au bout de la complexité de son sujet.