Bananes, Cadillac et Rock 'n roll
Un film finlandais sur des rockeurs paumés du fin fond de l’Europe de l’est qui vont aux Sates pour percer et devenir célèbres, le tout accompagné d’un titre épique, comment ne pas être intrigué ? Des paysages, des dégaines de folie, de la musique qui envoie et des petites salles de concert miteuses à moitiés vides, voilà ce qu’a à offrir ce Leningrad Cowbow go America.
Un paysage vide, désertique, gelé, des champs abandonnés et des vieux tracteurs colorés. Au beau milieu, une veille grange au sein de laquelle un groupe de polka jouent devant un producteur local. Tous ont une dégaine improbable : bananes démesurées, looks vestimentaires à base de chaussures incroyablement longues et pointues, de costars noirs et de gros manteaux de fourrure : les mecs ont des gueules pas banales. Le producteur n’est pas convaincu et propose au groupe d’aller tenter sa change aux Etats-Unis, là-bas ils produisent de la merde. La scène d’ouverture donne le ton, nous plonge immédiatement dans l’histoire et dans le style bien particulier du film.
Le groupe de bras cassés se rend donc aux USA où ils rencontrent un producteur qui les envoie au Mexique pour un mariage. Ils achètent une veille Cadillac à New-York, qui leur est vendu par ce bon vieux Jarmusch, et se mettent en route, à 10 dans une voiture 5 places. Les Leningrad Cowbows parcourent alors les Etats-Unis, nonchalants au possible, se rendant d’un concert à un autre. Les situations absurdes et loufoques s’enchaînent entre deux plans magnifiques du paysage local et on se surprend à se dire pourquoi pas ? C'est des putins de russes qui sortent de nul part après tout.
Mais derrière son aspect de comédie délirante se cache surtout un road-movie musical fascinant par ces images et par ces musiques. Le groupe traverse les Etats-Unis banales et sans-intérêts. Les petites villes mornes aux vieux bâtiments, aux rues quasi désertiques et dénuées de tout centre historique ou culturel s’enchainent les unes après les autres, entrelacées de zones industrielles et de campagnes désertiques. Les deux grandes villes culturelles traversées (New York et Memphis) sont présentées de la même manière. Ici, pas de superpuissance, de rêve américain et de paysage calibré pour le tourisme. Ils voyagent aussi à travers le rock, le blues, la country, le folk ou encore les mariachis … leur style musical s’adaptant au public local et évoluant à mesure qu’ils s’enfoncent dans le sud. Quelque soit le style, ils envoient sévère et le décalage entre leur dégaine, les petites salles miteuses au sein desquelles ils jouent et le son qu’ils envoient donne des scènes jouissives.
Comme dit plus haut, Jarmush joue un second rôle et on ressent en effet certaines similarités avec le cinéma de ce dernier. Dans la façon de présenter l’environnement dans lequel se déroule l’action avec ces travellings latéraux le paysage défile, mais aussi par certaines scènes qui font visuellement penser à Stranger Than Paradise et Down by law.
Loufoque, absurde, stupide, ridicule, drôle, beau, musical mais surtout brillant.