L'inconnu au bout de la rue.
Cinéaste fascinant autant que controversé ("Zardoz" et "L'exorciste 2" n'ont pas aidé), John Boorman tournait en 1970 ce film un brin oublié aujourd'hui et raflait le prestigieux Prix de la mise en scène au Festival de Cannes.
Et effectivement, la mise en scène de Boorman se montre d'une inventivité de chaque instant, illustrant à la perfection l'état d'esprit d'un riche héritier renfermé sur lui-même mais ne demandant qu'à appartenir au monde ouvrier qui l'entoure, observateur compulsif à la fois si proche et si éloigné de ses propres voisins dont il scrute l'existence comme le faisait Jimmy Stewart dans "Fenêtre sur cour".
Porté par le jeu attachant de Marcello Mastroianni, "Léo le dernier" étonne toujours autant par la liberté de ton qui est la sienne, tragi-comédie aux incessantes ruptures de ton, constamment sur le fil, tout à la fois drôle, cruel et décalé, lutte des classes anticonformiste dégommant la bourgeoisie avec une délicieuse férocité avant de s'achever dans un joyeux bordel.
A l'heure où le cinéma est désespérément formaté et prévisible, où il est primordial de tout enfermer dans des cases, revoir une oeuvre comme celle-ci, certes imparfaite mais libre et audacieuse typique d'une époque où l'on osait, équivaut à un satané bol d'air.