Compte tenu de l’étendue des domaines investis par le génie toscan, titrer « L’histoire complète » (ou même, en anglais, The Works) est passablement… mensonger.
Toutefois, comme le dit un intervenant (à propos de La Joconde) :
La richesse consignée ici est, sous l’angle technique et scientifique, tout simplement extraordinaire ; la profusion poétique et psychologique est tout aussi extraordinaire. Ça en devient conséquemment ce que j'appellerai un "tableau universel". Tout le potentiel du peintre s’y exprime, et même si nous n'en retirons qu'une fraction, en tant que spectateur, elle reste remarquable.
[je traduis]
Ce documentaire de 102 minutes a donc beau ne pas tenir ses promesses (et ‘se limiter’ aux tableaux les plus connus du plus célèbre polymathe de l’Histoire), ce qu’il nous donne à voir --- cette « fraction » --- est un régal.
La présentation de chaque œuvre est contextualisée (vie personnelle, cadre historique et artistique), leur réalisation est expliquée, interprétée…
On se rend en Italie, en Allemagne, en France, en Russie, en Grande-Bretagne, en Pologne : dans ces pays qui ont le privilège d’abriter au moins un témoignage du travail d’une des plus grandes figures de l’Humanité (sinon la plus grande).
J’imagine d’ailleurs ces spécialistes qui nous accueillent et nous parlent (curateurs, conservateurs, historiens…) … s’isoler… la nuit… devant La Vierge aux rochers, Sainte Anne, La Madonna Benois … et pleurer*.
Des gifles au cœur appuyées par les révélations sur une personnalité poignante, sur un homme d’une curiosité et d’une inventivité insatiables doublées d’une indépendance d’esprit et d’une constance granitiques.
Leonardo died before he could put the final layers of glaze on the Virgin Mary's face. It was the most subtle face and expression in the entire painting and he was trying to express the moment of the Virgin Mary's conversion. The moment when the mother of Jesus accepts the death of her son.
Ce qui m’a le plus marqué, dans ce Leonardo, c’est le rapport de Vinci aux visages de la Vierge Marie : mère d’un nourrisson… bébé-dieu… futur martyr. Comment peindre la douceur, la fierté, la douleur, la résignation… les trois à la fois. Sublime.
Petits regrets :
-- la musique religieuse (baroque, magnifique) se télescope avec la splendeur des œuvres. Impression gênante qu’elle est censée nous conditionner afin d’« entrer » dans les tableaux, alors qu’ils n’ont nullement besoin de soutien pour déchaîner notre émotion.
-- des intervenants de temps en temps abscons ; parler d’art n’est pas chose aisée, mais certains en profitent pour nous beurrer des tartines parfois indigestes.
Malgré cela, donc : un film évidemment élégant, stimulant, passionnant, et même … même… en ces temps particuliers... titillant la fibre européo-chrétienne.
( voire française, puisque Léonard de Vinci fut gâté par François 1er et mourut à Amboise ).
*J’avais d’abord inclus dans mes trois exemples l’édifiant Salvator Mundi, mais je me suis rendu compte après coup que le tableau fait partie d’une collection privée ; il est en ce moment la possession du prince Prince héritier d'Arabie Saoudite qui l’a « pécho » pour près de… 400 millions d’euros.