Lost in translation
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le 16 juin 2011
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J'ai revu hier le DVD collector de ce film qui contient d'intéressants bonus et qui m'a permis de me replonger dans cette fresque historique, mais ma note reste inchangée.
Cette grandiose évocation de la révolte nationaliste des Boxers en Chine en 1900, et l'héroïque résistance des légations étrangères assiégées durant 55 jours, fournit un exemple de la virtuosité avec laquelle Hollywood falsifiait l'Histoire, car plusieurs épisodes ont été modifiés ou rajoutés, tout en suivant une ligne de fond historique crédible et réaliste. En même temps, ça servait de prétexte, comme la plupart de ces films spectaculaires, à de gros morceaux de bravoure où la psychologie se hissait au niveau du mélodrame. C'est sans doute ce qui valut au film d'être éreinté par la critique en 1963.
Pourtant, la publicité de l'époque proclamait qu'il s'agissait du plus grand décor jamais construit pour un film (en dur et en éléments préfabriqués modulables), c'est vrai, le film fut tourné en Espagne près de Madrid sur un terrain de 125 hectares où l'on reconstitua la Cité Interdite et les légations étrangères, et en faisant appel à 6500 figurants. De même que la partition de Dimitri Tiomkin se révèle très lyrique, sans oublier les costumes chinois somptueux. Cette magnificence est l'une des grandes qualités du film, et plus d'une fois on est frappé par ce style spectaculaire ; en tout cas, le film a l'allure des grandes fresques historiques déjà par son ouverture musicale (comme pour un opéra), son générique dessiné et son carton d'entracte. Il ne faut donc pas trop vite enterrer cette superproduction qui se laisse regarder sans déplaisir ; on pourra regretter le rôle d'Ava Gardner qui n'est pas suffisamment étoffé, mais les bonus m'ont appris qu'elle fut insupportable sur le plateau, souvent ivre, ne retenant pas son texte, indisposant l'équipe et insultant sans cesse Nicholas Ray, son rôle fut donc raccourci en dialogues et au montage pour toutes ces raisons.
Nicholas Ray dut quitter le plateau victime d'une crise cardiaque, si bien que le film est plus devenu un film de producteur, celui de Samuel Bronston qui venait de produire le Cid (déjà avec Charlton Heston) et le Roi des rois (réalisé aussi par Ray), et qui s'apprêtait à tourner la Chute de l'Empire romain dans lequel il comptait employer Heston ; mais celui-ci refusa de faire un autre péplum après le phénoménal succès de Ben-Hur. Bronston mit donc en chantier pour lui les 55 jours de Pékin alors qu'il n'avait même pas encore de scénario, mais il put commencer le tournage dans le décor construit en juillet 1962, à partir d'un script de 140 pages.
Après le départ de Nick Ray, on fit appel pour terminer le film à Andrew Marton, vétéran aguerri des scènes d'action à grand spectacle, réalisateur de la célèbre course de chars de Ben-Hur et coordinateur des scènes américaines du Jour le plus long. Son travail donne aux séquences de foule et de bataille une puissante dimension ajoutées à celles tournées par Ray qui reflètent quelques-unes de ses préoccupations.
Alors si ce film n'échappe pas toujours aux pièges inhérents à ce type de fresques grandioses, notamment par le contexte politique qui n'est que superficiellement abordé (la révolte des Boxers, ultime soubressaut d'une Chine moyenâgeuse n'étant pas analysée en profondeur), et si trop de monde a mis le nez dans la production (y compris le scénariste-producteur Philip Yordan qui a fait réécrire plein de scènes par ses assistants), il n'en demeure pas moins que les amateurs de grandes épopées hollywoodiennes ne seront pas déçus.
Le décor fait vraiment son effet, le casting est de grande qualité, je relève notamment le jeu serein et subtil de Flora Robson dans le rôle de l'impératrice Tseu-Hi (les acteurs occidentaux sont grimés car à l'époque, il n'y avait pas d'acteurs asiatiques assez connus), les scènes d'action sont réussies, et celles des hymnes nationaux joués par les 11 fanfares des légations en même temps, est un édifiant symbole de la mésentente des nations annonçant la guerre de 14-18 (scènes à priori amusantes par leur cacophonie où chacune veut couvrir l'hymne du voisin). On notera cependant une légère baisse de rythme par moments, mais c'est un prototype de cinéma de prestige comme Hollywood ne sait plus en faire qui vaut la peine d'être vu, et il serait dommage de bouder son plaisir.
A noter que le film malgré les critiques négatives, récolta un gros succès public en Europe et dépassa largement celui mitigé de Cleopâtre sorti également en 1963, de même que Bronston put lancer dans la foulée le tournage de la Chute de l'Empire romain toujours en Espagne, dans des décors réaménagés et reconstruits, mais sans Heston, remplacé par Stephen Boyd, son ex-rival Messala dans Ben-Hur.
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le 6 juil. 2020
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