Certains films américains arrivent sur les écrans français auréolés de leur impact dérangeant sur la conscience collective de là-bas. C'est le cas pour "Les Accusés", virulent plaidoyer contre le viol. Jonathan Kaplan y dénonce cet odieux crime - oui, crime ! - à caractère sexuel... Mais aussi l'aberrant contexte socio-juridique qui s'y rattache, aux Etas-Unis comme ailleurs.
"Les Accusés", ce sont les auteurs d'un triple viol (!) et ceux qui les ont encouragés en voyeurs. Mais la jeune femme agressée n'est pas mieux traitée car le viol, lit-on sous le titre, est "le seul crime pour lequel c'est à la victime de prouver son innocence" ! Aux juristes de s'interroger en premier là-dessus.
Le style dénonciateur de Kaplan a la même efficacité que celui de Cayatte, le parti pris manichéen en moins. Au contraire, cette Sarah (Jodie Foster) qui veut voir en prison les trois types qui l'ont violée un soir de beuverie dans une arrière-salle de bar n'a pas un bon profil de victime. Vie marginale dans une caravane, serveuse de métier, alcool plus joints comme remède anti-déprime et, surtout, comportement pouvant être considéré comme provoquant juste avant l'agression. Du coup (si l'on peut dire !), la brillante avocate (Kelly Mac Gillis) chargée de plaider sa cause préfère d'abord un arrangement à l'amiable plutôt qu'un procès difficile.
La réaction épidermique et émouvante de la jeune paumée provoque un rebondissement. Relancer la machine judiciaire jusqu'au procès devient alors "une affaire de femmes" pour la victime et son avocate. Et pas question pour le spectateur de douter de la bonne foi de Sarah, dont le calvaire est montré de façon insupportable en marge d'un témoignage accablant.
Dès le constat médical, synonyme d'humiliation féminine, Kaplan dévoile ses intentions. Nul doute que l'évolution des rapports entre ses deux héroïnes l'a autant motivé que la mise en accusation d'une législation et d'une mentalité assez hypocrites ("elle l'a bien cherché" !).
Le scénario cède par moments aux clichés hollywoodiens. Mais il s'équilibre bien en deux volets : portrait psychologique et déroulement du procès. Kelly Mac Gillis joue juste. Jodie Foster est, elle, carrément phénoménale... et pour l'essentiel dans ce 8 de notation ! Regards, intonations de voix, démarche, coiffure... Elle s'est donnée corps et âme pour ce personnage emblématique.
Elle a d'ailleurs raflé l'Oscar de la Meilleure actrice et cela n'a été que justice !