Un des titres emblématiques du cinéaste qui s'attarde pour la seconde fois de sa carrière au portrait d'une adolescente. L'ouverture (en plan-séquence) donne le ton avec la jeune Catherine Spaak en chemise de nuit, en proie à un sommeil agité pour se réveiller troublée et fiévreuse, saisissant sa poitrine comme pour se confirmer l'effet que son rêve a eu sur elle. Durant ce temps, la caméra glisse sensuellement sur son corps, dans un geste dont la dimension fantasmée et voyeuriste n'est pas à négliger. Mais un voyeurisme aussi troublé et intimidé que l'émoi de l'héroïne, découvrant qu'il enregistre une pureté virginale. Celle-ci n'est pas encore pleinement consciente de ses désirs, mêlant le jeu, la provocation et d'authentiques pulsions. Le cinéaste cherchait alors à capter ce moment où une jeune fille se mue en femme et il y parvient en captant les émotions et les états d'âmes qui traversent le regard et les gestes de Catherine Spaak.
Fort heureusement, et contrairement à ce que laissait supposer le premier plan, Lattuada n'essaie pas de choquer ou de flatter les bas instincts du public masculin. Le film ne semble même pas percevoir les tabous qu'il transgresse (sexualité des adolescents, homosexualité, gigolo ou même relation quasi incestueuse entre Spaak et son frère) et préfère les traiter avec naturel et honnêteté, sans s'attarder sur leur dimension immorale et transgressive... avec le risque d'être parfois inconsistant dans son traitement. Mais je préfère voir que le scénario se positionne au niveau de son héroïne, d'autant que l'histoire se déroule sur 24h. Et il n'empêche pas que son dernier acte est d'une lucide gravité lorsque la jeune femme découvre qu'elle vient de tourner une page décisive de sa vie et qu'il lui sera impossible de revenir en arrière.
La réalisation de Lattuada est entièrement consacrée à mettre en valeur les émotions complexes et contradictoires de son héroïne avec une très belle photographie en noir et blanc scope dont la gestion des contrastes évoluent durant le film, passant d'un blanc aveuglant à une obscurité audacieuse durant son face à face avec son premier amant. Ce n'est pas expérimental et aussi tranchée que dans le cinéma japonais de la même époque mais elle traduit une attention rare.