Entre ce matin réveillé par un songe sensuel et nouveau, "qui ne se raconte pas" jusqu'au soir où le songe s'est incarné, c'est tout le film qui se glisse, qui ne se raconte pas mais se vit ; un jour de la vie de Francesca, jeune adolescente de 17 ans, une éternité, soudain vaguement troublée par ce monde du rêve - les profondeurs, dit-on, et se décidant à en chercher l'équivalent dans ce monde de la surface.
On est d'abord sidéré par la beauté de Catherine Spaak, par sa sensualité gracieuse en tous points, sa cinégénie de tous les instants, de tous les photogrammes. C'est Rome qui passe en eux? La ville monde et mondaine. On la croirait, elle, ses amies, ses connaissances, les rencontres qu'elle va faire sur le chemin de son désir tous sortis d'un journal de mode romain, tous frappés du sceau de la superficialité bourgeoise voire aristocratique mais c'est là que Lattuada ne s'en laisse pas compter. Ni par le cliché, ni par l'idée qu'on puisse aller contre. Presque antonionien, il nous réouvre toute l'adolescente inquiétude mais légèrement, évitant soigneusement le drame, pour mieux en toucher l'intacte beauté. Il ne faut pas troubler la surface pour voir la profondeur, ou alors il faut attendre que l'onde, qu'un jour la rende de nouveau plus aigüe qu'un simple miroir.
Que ce soit la séquence d'ouverture - un seul plan long pris entre le rêve et le point du jour - où il semble que le songe de Francesca se grave sur l'écran, sur son drap blanc ou que ce soit regard caméra de fermeture où ses pensées semblent traverser l'écran, Lattuade nous offre un film presque transparent, en demi-teintes, où sur la pellicule imprimée comme sur ces images miraculeuses se développe plus que prévu. Deux moments qu'on pourrait aller retrouver chez le premier Bergman (le réveil de Maj Britt Nilsson et le regard caméra dans Monika) mais qui, ici, ont d'étranges douceurs... dolci inganni.