Film de Jean Dreville surprenant à bien des égards.
Il est tourné en 1942 sous le régime de Vichy. Le scénario est tiré de la célèbre pièce de théâtre d'Octave Mirbeau du début du XXème siècle qui fustigeait le monde affairiste de la Belle Epoque. Pièce qui ressort régulièrement dans les théâtres avec toujours beaucoup de succès.
C'est vrai que la morale maréchaliste en 1942 se complaisait aussi à mettre en avant les valeurs de la famille ou les valeurs de la France profonde et plutôt agricole. Possible que dans le même état d'esprit, les affaires et l'argent étaient soupçonnés d'avoir été une des causes de la défaite de 1940 et de la misère – nouvelle – des petites gens …
Le film évoque la vie d'un Isidore Lechat, un parvenu richissime qui brasse des affaires. Lechat, le bien nommé, est impitoyable envers les faibles, dispose d'un don de double vue pour dénicher les bonnes soupes et les mauvais escrocs. Il vit grand train, exige beaucoup de son personnel, n'hésite devant aucune humiliation, vit dans un immense château et se paye le luxe d'avoir un vicomte (ruiné) comme intendant…
Il s'est même payé un journal à partir duquel il tient la dragée haute aux politiques, à l'armée, à la culture et même à la religion. D'ailleurs sa femme dira :
"il possède même un journal, lui, qui sait à peine lire"
Sous l'angle familial, il a (= il dispose d') une épouse terrifiée par ce nouveau luxe et deux enfants dont une fille qui est écœurée par son comportement et un fils pourri-gâté qui n'en branle pas une, à qui il passe tout.
Comble de tartufferie, il envisage même l'accession à un titre de noblesse par le mariage, hautement calculé, de sa fille avec un marquis qu'il tient, bien sûr, par les c…
Charles Vanel y est extraordinaire et, j'hésite pour l'adjectif, entre puant, abject et immonde. Oui, mais génial ! Même si sur le fond, ce n'est vraiment pas drôle, la faconde déployée par Vanel prête à sourire et même à rire.
Diverses scènes sont jubilatoires comme celle des deux petits escrocs aux noms évocateurs, Grugh et Phinck, qui tentent de rouler en vain Lechat, y compris alors qu'une mauvaise nouvelle vient de le terrasser. Vanel parvient quand même à se redresser pour leur faire rendre gorge.
Le film aurait été excellent si les seconds rôles avaient été mieux étoffés, avec un peu plus de présence et de personnalité. Rares sont ceux qui parviennent à exister face à la tornade "Vanel" ; petite mention pour Jean Debucourt dans le rôle du Vicomte devenu intendant et Renée Devillers, la fille de Lechat qui s'oppose au projet de mariage "princier" …
Il y a une autre grande faiblesse du film, c'est la conclusion très abrupte, presque inattendue. Morale, certes mais beaucoup trop rapide. On (J'aurais) aurait eu tant de plaisir à jouir de l'inévitable chute d'Isidore Lechat et de sa non moins attendue humiliation. Là, le film nous prive carrément de ce plaisir !