A la fin des années 1950, Henry Hill (Ray Liotta) se crée un nom dans les milieux mafieux de New-York, bénéficiant de la protection d’un caïd respecté, Paul Cicero (Paul Servino). Mais monter dans le milieu est une chose, y conserver son rang et sa réputation en est une autre…
Martin Scorsese est décidément un bonhomme pénible. Doté d’un sens aigu de la mise en scène (dont il fait encore preuve ici, nous offrant notamment un magnifique plan-séquence) et d’une capacité à nous offrir des reconstitutions d’époque brillantes, il se complaît à filmer le néant de personnages désespérément vains, envers lesquels on se demande comment diable il est possible de ressentir la moindre empathie. Il faut dire que le réalisateur pousse ici l’écriture des personnages à son niveau le plus faible, ne parvenant jamais à partager sa fascination pour des gens sans âme et sans moralité qui se contentent de se bouffer le nez les uns des autres et de se faire le plus de coups bas possibles, sans que rien d’édifiant ne vienne compenser une telle vacuité.
Avec Les Affranchis, Scorsese ne déroge donc pas à sa règle d’or, qui est de faire en sorte de laisser son spectateur en marge d’un film sans relief, sans aucune unité narrative et aux personnages tous plus inexistants les uns que les autres. A ce niveau, Henry Hill hérite de la palme du personnage le plus antipathique du film, tant sa mollesse et son absence de caractère n’ont d’égaux que son orgueil et sa bêtise, qui sont, eux, démesurés. Le problème, c’est que l’on n’a aucun personnage vers lequel reporter sa sympathie, sinon, à l'extrême rigueur, un De Niro qui fait tous ses efforts pour faire exister un personnage d’une hallucinante platitude.
Une telle absence d’intérêt dans l’écriture des protagonistes rejaillit directement sur un scénario extrêmement décousu, dénué de toute unité narrative, alourdi par une voix off constante qui fait qu’au sortir des Affranchis, on a juste l’impression d’avoir un prologue de film d’une durée de 2h25. Ce n’est pas toujours inintéressant, et la reconstitution des milieux de la pègre new-yorkaise est d’une rigueur qui fait plaisir à voir, mais c’est tout de même un peu faible… D’autant qu’à part une bande-son exceptionnelle (Tony Bennett, les Rolling Stones, George Harrison, Harry Nilsson…), il est difficile de voir ce qui pourrait nous pousser à regarder cette œuvre lorsqu’on a à côté des films de gangsters cent fois plus réussis et, eux, pleins d’émotion et d’humanité, tels que Le Parrain, Heat, The Yards ou encore La Nuit nous appartient. N’est pas Coppola qui veut, et encore moins Gray…
Finalement, Les Affranchis n’apparaît comme rien d’autre qu’un énième film, certes sympathique, mais tout ce qu'il y a de plus mineur dans la filmographie Scorsese. En espérant qu'on m'excuse ce pléonasme...